Une chance pour les gens de ma génération d'avoir vu naître et fonctionner le métro d'Alger. Pourvu que ça dure », s'exclame un vieux retraité de l'Etusa. Pour le premier jour de son ouverture commerciale au grand public, le métro d'Alger démarre sous de bons auspices. Le pari semble réussi pour les pouvoirs publics qui escomptaient en tirer le maximum de dividendes, surtout que son lancement coïncidait avec la journée du 1er Novembre, date du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Tout un symbole ! Il faut dire qu'une fois n'est pas coutume, les autorités ont mis le paquet pour qu'il n'y ait aucun couac qui empêcherait le succès de ce lancement. Dès les premières heures de la matinée d'hier, les habitants d'Alger affluaient en grand nombre pour découvrir et monter pour la première fois le métro. Des files se forment au point de vente des tickets. Des vieux, des familles accompagnées de leurs enfants (y compris des bébés), des jeunes se bousculaient dans la bouche du métro pour avoir la primeur de fouler en premier le «sol» des wagons. «Je suis venue prendre le métro par simple curiosité. J'emprunte rarement cet itinéraire. Mais pas question que je rate cette occasion ‘historique', d'autant plus que ça fait des années que les Algérois attendent que le métro d'Alger sorte des entrailles de la terre», s'exclame Na Chabha, la soixantaine bien entamée. «C'est un énorme travail qui a été fait. C'est un grand jour pour tout le monde. Pour une première séance ouverte au public, c'est un franc succès. Je vous parle en connaissance de cause. Pour les jours à venir, il y aura une affluence record», nous confie Jean-Luc Brouha, conducteur de métro à Paris, venu spécialement de la capitale française pour assister lui aussi à cet «événement national». En la circonstance, les voyageurs affichaient la joie des grands jours. Ils arboraient des sourires illustrant toute leur satisfaction et leur fierté de ne pas être en reste par rapport au monde occidental, ou du moins en ce qui concerne la joie d'avoir enfin un métro dans la capitale. La joie des grands jours Une vraie consolation ! «Je suis très contente de prendre le métro d'Alger. J'ai eu un sentiment de fierté en y prenant place. Je l'ai vu et je suis montée à l'intérieur avant de mourir. Je peux quitter ce monde le cœur tranquille, sans aucun regret à présent !» s'enthousiasme Yasmine, étudiante en troisième année de littérature française à l'université Alger II. «Franchement, ça me rappelle le temps où j'étais en France. C'est très bien fait. On se croirait dans le métro de Paris. Ça répond vraiment aux standards internationaux», nous confie Abdellah, ancien restaurateur à Paris, installé désormais à Alger. Des agents de sécurité (400 au total tenus de se relayer par brigade) sont postés dans les dix stations pour assurer la sécurité des passagers et éviter tout éventuel incident. «C'est un bon début. Rien à signaler pour le moment. Mais en cas de pépin, on interviendra. C'est notre travail», glisse un responsable de la sécurité à la station Haï El Badr de Kouba. Les réserves des passagers Mais au-delà de la satisfaction de l'ensemble des passagers, ces derniers émettent quelques réserves sur les manquements et les insuffisances liés au métro d'Alger. Des mégots sont visibles déjà sur les quais, comme pour gâcher toutes «les bonnes notes» enregistrées de la journée. L'accès aux toilettes est réservé uniquement aux employés du métro, ce qui pénalise grandement les passagers qui n'ont pas de «petit coin» pour se soulager en cas d'urgence. «Comme ça, les gens, notamment les jeunes, vont uriner sur les murs», ironise Zineddine, enseignant en sociologie à l'université d'Alger. Pourquoi, en effet, priver les passagers de ce qui est aussi élémentaire ? S'agit-il simplement d'une simple omission ? «Les stations de nettoyage sont très lourdes à gérer. On ne peut pas s'offrir ce luxe. D'ailleurs, même le métro de Paris n'est pas doté de toilettes», explique Amazouz Faïza, agent d'exploitation du personnel d'encadrement de la station du métro d'Alger. Les passagers, pour leur part, sont unanimes à déclarer que le prix du ticket est excessivement élevé. Pour eux, il n'est pas à la portée des salariés et des petites bourses. Selon eux, le métro est, semble-t-il, une attraction née pour satisfaire le fantasme d'une certaine classe sociale qui s'identifie à ce genre de «lubie». «J'ai pris le métro aujourd'hui parce que j'ai entendu que le premier jour ce serait gratuit. Finalement, c'était payant. Je suis venu avec ma femme et nos deux filles. Ce qui me fait 400 DA aller-retour. C'est trop cher. Dorénavant, je ne le prendrai qu'en cas de nécessité, sans plus. A moins que l'Etat revoie les tarifs», regrette ce père de famille, cadre à Sonelgaz. Interrogé sur la possibilité d'assurer la gratuité aux passagers pour cette première journée de lancement, un responsable de la RATP El Djazaïr, visiblement gêné par notre question, a rétorqué que c'était à l'Etat algérien de prendre ce genre de décision, pas à eux en tant qu'entreprise exploitante. «Pour l'instant, tout marche à merveille. Tout est propre. Mais à l'avenir, qui nous dit que ça ne va pas se détériorer ? Se pose aussi la question de la sécurité à l'intérieur du métro, surtout aux heures tardives, le soir, avec toute cette meute de voyous qui sont prêts à tout pour avoir de l'argent et du plaisir», prévient Fadhila, jeune dentiste qui habite El Harrach. En tout cas, en ce premier jour, la sécurité est bien assurée. En plus des policiers en tenue régulière, des agents en civil se mêlent aux passagers une fois à l'intérieur du métro pour déjouer toute éventuelle agression ou tentative de sabotage.