L'ancienne oasis de Guerrara, septième ksar du M'zab, est située à 110 km au nord-est de Ghardaïa. Classée au patrimoine national par le ministère de la Culture depuis 1997, elle couvre une superficie de 400 hectares sur le lit de l'oued Zegrir et compte 80 000 palmiers dattiers. La diversité variétale de Guerrara fait la fierté de ses agriculteurs qui recensent, à ce jour, une trentaine de variétés de dattes, notamment El Gherss, Deglet Nour, Tafézouin, Azerza, Tamdjouhert, Dala, Taisibbi, Taneslit et Outekbala, pour ne citer que les plus importantes.Deux sources d'eau sont simultanément utilisées pour l'irrigation : la nappe phréatique dont vivait l'oasis avant 1959, date de création du premier forage dans l'albien, capté par 1300 puits de profondeurs variables, et l'oued Zegrir qui permet une irrigation à grande échelle, un lessivage des sols et un apport en éléments nutritifs en plus du forage albien El Foussaa. Le patrimoine agricole ainsi que les ouvrages hydrauliques traditionnels de l'oasis de Guerrara courent actuellement un grand danger, à en croire Abdallah Hariz, président de l'Association de préservation du patrimoine et des monuments historiques de la ville, qui dénonce «l'invasion du béton, la persistance des eaux stagnantes et le passage du réseau d'assainissement en pleine palmeraie». D'autres fléaux menacent la palmeraie, il s'agit de la paupérisation de la population et la fuite des jeunes vers d'autres régions plus prospères. Mais la jeune génération de Guerrara ne fait pas que fuir un état de fait qui s'instaure en fatalité. Grâce à sa coopération avec des institutions européennes, «le projet de restauration des ouvrages hydrauliques traditionnels de l'ancienne oasis de Guerrara Ajam a été monté». Ce projet, lancé il y a deux ans, vise la réhabilitation de l'ancienne palmeraie dans le cadre du programme de la CEE ONG2, incluant la création d'un centre d'accompagnement et de suivi pour la sensibilisation des propriétaires de jardins et les écoliers de l'intérêt économique, social et culturel de la sauvegarde de l'oasis menacée de disparition. Les membres de l'association Ajam sont très actifs sur le terrain et font de la sensibilisation leur cheval de bataille par l'installation de panneaux dans les endroits-clés de la palmeraie, incitant les usagers de l'oasis à la préserver ; ils ont lancé une modélisation réelle de la réhabilitation et de la mise en valeur des ouvrages hydrauliques par l'incarnation d'un prototype de parcelles mises en valeur qui serviront de modèle aux futurs projets de réhabilitation à initier par les propriétaires. Ainsi, les riverains s'impliquent de facto dans la protection de l'environnement et le maintien du microclimat créé par l'oasis et peuvent envisager une multiplication des cultures à forte valeur ajoutée pour assurer le maintien de l'agriculture oasienne dans le lit de l'oued Zegrir. A signaler que les ouvrages hydrauliques traditionnels de Guerrara subissent une dégradation telle que l'arrivée des crues sur la totalité des parcelles compromet les cultures. Malgré l'évacuation, une grande quantité d'eau stagne par endroits ce qui nuit à l'environnement. La forte salinité des eaux de l'albien, en l'absence d'un système de drainage efficace, accentue la salinisation des sols, la remontée des eaux et la dégradation de la biodiversité dans l'ancienne oasis où seules les crues permettent le lessivage des sels. Cette situation alarmante est en étroite relation avec l'histoire récente de la palmeraie, qui a traversé des périodes délicates au cours des années 1970-1980, suite à l'application abusive de la nationalisation des terrains privés. La révolution agraire a poussé les propriétaires à abandonner leurs terres et attendre les années 1990 pour les récupérer. Ceux qui ont pu le faire ont surmonté l'état d'abandon et de dégradation ; d'autres, surtout ceux dont les terrains se situent entre le ksar et la nouvelle ville de Guerrara, ont cédé à la tentation d'y édifier des habitations. Cette situation va crescendo et ne cessera qu'avec une prise de conscience tant des citoyens que des autorités locales.