Même avec 50 ans de retard, c'est tout à l'honneur de la jeune association de Tigounatine d'avoir pensé à la restauration de ce refuge et d'y édifier une stèle aux noms des martyrs de la localité. La route qui y mène est défoncée. Elle est prolongée par une piste qui fait, au bout, jonction avec la route d'Ighrem, dans la Daïra d'Akbou. Enfoncée dans la terre, la maison, typiquement kabyle, de pierres, de terre et de tuiles rouges, tombe en ruines. Mais résiste depuis un demi-siècle à l'érosion du temps et à … l'amnésie. L'un des plus importants refuges de la Wilaya III, à Tigounatine, petit hameau oublié dans la commune de Tazmalt, tient à rester toujours debout, pour se rappeler à l'existence des hommes et pour leur rappeler la formidable épopée dont il était témoin. Perdu entre ces collines du douar Ath M'likeche, le refuge d'Ath Khlouka, qui a vu passer tous les grands de la Révolution, était un passage obligé pour les troupes de l'ALN. Ils s'y reposaient et s'y ravitaillaient. Et c'est de là qu'étaient partis les moudjahidines qui allaient mener l'une des plus importantes batailles dans la région, plus bas sur la route (RN 26) à quelque 5 kilomètres d'ici au lieudit pont de oued Allaghane, où 28 harkis ont été tués et d'où a été récupérée une vingtaine d'armes automatiques, et un fusil US 17. Il y a bien d'autres refuges aux alentours comme dans toute la région, mais «toutes les maisons sont en fait des refuges» nous dira un ancien moudjahid, pour dire toute l'adhésion de la population à la cause nationale. Pas loin du refuge, la tombe d'un enfant de 11 ans, Benhamouche Méziane. Il était là avec sa grand-mère, Derriche Dhrifa, sous un olivier gardant un bœuf, quand entendant un avion, volant presque à rase-motte, à la recherche des moudjahidines, il sortit de sous l'olivier pour tirer sur l'avion avec sa … tire-boulette. Il fut abattu et sa grand-mère blessée par de nombreux éclats. Plus de cinquante ans après, en cette matinée brumeuse d'octobre, sur les mêmes collines, le vide et le silence entourant les lieux, un étrange sentiment vous saisit. Le temps semble s'être arrêté. Ces lieux-là sont chargés d'Histoire. Une Histoire à déterrer. On est bien en plein dans la Vallée de la Soummam, qui fut l'un des fiefs les plus importants de la Révolution de Novembre. Et spécialement dans une commune à plus de 900 martyrs … recensés. En plus des centaines d'inconnus, de disparus…. Dans le livre de Henri Alleug, «Histoire de la Guerre d'Algérie», il est écrit que «la 19è DI (Division d'Infanterie) s'est installée au CAC, Corps d'Armée de Constantine, dès l'année 1955, à cause de l'activité militaire débordante de l'ALN dans la vallée de la Soummam, sous l'autorité de Amirouche et de Abderrahmane Mira.» Et bien avant le 1er novembre 1954, la région débordait de «politique». Il y avait une forte activité politique sous la houlette du grand militant du MTLD, Larbi Oulebsir, qui avait bien structuré toute la région. Il y avait des manifestations, des marches et de l'action militante tous azimuts … A quelques jours du 1er novembre, le 14 octobre, une grande marche a eu lieu à Tazmalt pour demander la libération des prisonniers politiques… Même avec 50 ans de retard, c'est tout à l'honneur de la jeune association de Tigounatine d'avoir pensé à la restauration du refuge d'Ath Khlouka et d'y édifier une stèle aux noms des martyrs de la localité. N'est-il pas temps de rassembler toute cette Histoire avant qu'il ne soit trop tard ? De réhabiliter tous ces hauts lieux de l'histoire pour redonner foi à une jeunesse et une société de plus en plus désorientée, car victimes d'une grave perte de repères ?