La grande tuerie ordonnée, ce week-end, par Bachar Al Assad contre sa population, qui a fait une quarantaine de morts, n'est pas passée inaperçue. L'Organisation non gouvernementale des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) n'a pas hésité à parler de «crimes contre l'humanité». Le maître de Damas, qui a été prié par la Ligue arabe d'arrêter son massacre, est en train d'aggraver son cas. Un comité ministériel arabe devait d'ailleurs se réunir au Caire, après le non-respect par Damas de ses engagements de cesser la répression sanglante qui a fait plus de 3500 morts depuis le début de la contestation en mars.
Cette réunion arabe sera suivie aujourd'hui d'une autre élargie à l'ensemble des ministres arabes des Affaires étrangères. Les Arabes, qui ont été jusque-là pour le moins sympathiques avec le régime de Damas, devraient sortir de leur discours diplomatique et adopter une position ferme qui sied à la gravité des forfaits qui se commettent quotidiennement en Syrie. Il faut rappeler en effet que le gouvernement syrien avait accepté, le 2 novembre, un plan prévoyant, outre la fin des violences, la libération des détenus, le retrait de l'armée des villes et la libre circulation des médias. Rien n'a été appliqué. Le représentant de la Syrie à la Ligue arabe, Youssef Ahmad, a indiqué qu'il avait présenté, hier matin, un mémorandum au secrétariat de la Ligue. Folie meurtrière Dans ce texte, Damas dit accueillir favorablement l'envoi par l'organisation panarabe d'une délégation en Syrie, «ce qui contribuera à évaluer l'engagement de Damas à appliquer le plan (arabe) et à dévoiler les raisons de certaines parties à l'intérieur et à l'étranger qui œuvrent pour faire échouer la feuille de route arabe», selon l'agence officielle Sana. Ainsi après tous ces massacres à répétition, Damas concède, enfin, à la Ligue arabe d'accueillir sa «délégation» pour voir comment appliquer le plan arabe ! Voilà une bien curieuse manœuvre – dilatoire – qui allonge les souffrances du peuple syrien réduit à compter ses morts pendant que les «sages arabes» s'entendent… à ne pas s'entendre. Or, les Syriens, qui ont défilé hier par milliers, réclamaient clairement «le gel de l'adhésion de la Syrie à la Ligue arabe». Mais la Ligue arabe, peuplée essentiellement de souverains absolutistes, de raïs mal élus, a du mal à prononcer la sentence idoine contre l'assassin de Damas. Hier à la mi-journée, au moins 14 personnes ont été tuées par les tirs des forces de sécurité en Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Sept personnes, dont un déserteur, ont péri dans des quartiers de Homs (centre), 2 civils ont été tués à Ariha dans le gouvernorat d'Idleb (nord-ouest), et 5 autres sont morts à Bosra Cham dans la région de Deraa (sud). Les forces de sécurité ont également dispersé des manifestations qui se déroulaient dans plusieurs quartiers de Homs, à Deir Ezzor (est), Idleb et à Jassem dans la région de Deraa. Jeudi, les violences ont fait 39 morts en Syrie, où le régime ne semble pas vouloir renoncer à la solution sécuritaire qu'il a choisie depuis le début du mouvement de contestation populaire à la mi-mars. Les Arabes se sont entendus… «Le recours systématique aux abus contre les civils à Homs par les forces du gouvernement syrien, y compris la torture et les exécutions arbitraires, montre que des crimes contre l'humanité ont été commis», a dénoncé hier HRW, dans un rapport publié à New York. Se basant sur les témoignages, l'ONG indique que ces «violations ont tué au moins 587 civils» à Homs, haut lieu de la contestation, entre la mi-avril et la fin août, et au moins 104 autres depuis le 2 novembre, date de l'accord donné par le président Bachar Al Assad au plan arabe pour l'arrêt des violences. «Homs est le microcosme de la brutalité du gouvernement syrien», écrit Sarah Leah Whitson, la responsable de la section Moyen-Orient à HRW. «La Ligue arabe doit dire au président Assad que violer l'accord a des conséquences et qu'elle soutient désormais une action au Conseil de sécurité pour mettre fin au carnage.» Les militants des droits de l'homme signalent par ailleurs une augmentation des défections de soldats de l'armée régulière rejoignant l'opposition. Plusieurs affrontements entre soldats et des déserteurs présumés ont eu lieu jeudi et auraient fait «des dizaines de morts et de blessés parmi les soldats», dans la région d'Idleb, de Deir Ezzor et à Harasta près de Damas, a indiqué l'OSDH. Pendant ce temps, les Arabes ont du mal à entendre les cris du cœur des Syriens depuis leurs salons feutrés du Caire…