Enfin ! Attendue depuis des mois, la décision de la Ligue arabe de sortir de ses rangs le régime assassin de Damas a fini par tomber. Grand soulagement en Syrie et dans le monde entier. La Ligue arabe a en effet annoncé, hier, la suspension de la Syrie et menacé Damas de sanctions. C'est incontestablement une première dans les annales de cette organisation, réputée être une annexe du ministère égyptien des Affaires étrangères sous Moubarak et, depuis peu, perchoir des monarchies du Golfe. Il a donc fallu des milliers de morts en Syrie pour que cette auguste assemblée peuplée de potentats arabes prenne son courage à deux mains et ose ce sursaut d'orgueil. Mais ne faisons pas la fine bouche. Cette décision, qui fera date dans l'histoire jalonnée de compromissions de la Ligue, constitue un cinglant camouflet diplomatique au régime de Bachar Al Assad, qui se voit ainsi lâché par ses congénères. Et ce n'est pas rien, venant de l'organisation la plus arriérée et la plus anachronique du monde. Sans doute que les voix libérées des nouveaux régimes de Tunisie, de Libye et d'Egypte ont lourdement pesé dans cette sanction inédite contre un frère de sang, qui plus est incarne un panarabisme incantatoire. Pour Bachar Al Assad, c'est une douche froide que de se rendre compte qu'il n'a plus le parapluie arabe pour cacher sa folie meurtrière. Une nouvelle ère qu'il n'a pas su apercevoir après la chute de trois de ses anciens «potes». Le maître de Damas est depuis hier un «raïs» seul qui devra faire face à l'indignation internationale pour ses crimes contre l'humanité. Pour avoir traîné la patte dans la mise en œuvre du plan de sortie de crise de la Ligue arabe, qu'il avait pourtant accepté, Bachar Al Assad aura bêtement grillé son joker. La Ligue arabe prend des couleurs… De fait, à la lumière de ce qui s'est passée en Libye pour feu El Gueddafi, le processus vital du régime Al Assad est d'ores et déjà engagé. En décidant de «suspendre la participation des délégations syriennes aux travaux», la Ligue arabe a retiré sa couverture aux crimes commis par le régime syrien. Une mesure qui prendra effet dès mercredi prochain, selon un communiqué lu par le chef de la diplomatie du Qatar, Hamad Ben Jassem Al Thani, à l'issue d'une réunion ministérielle au siège de l'institution, au Caire. Et ce n'est pas fini ! La Ligue arabe a aussi appelé au retrait des ambassadeurs arabes à Damas, avec cette précision tout de même que la décision finale «relevait de la souveraineté de chaque Etat membre». La Ligue prône également des «sanctions politiques et économiques» contre le pouvoir syrien s'il continue à ignorer le plan de règlement arabe, a dit Hamad Ben Jassem Al Thani, sans donner plus de précisions sur ces mesures. Signe que l'organisation panarabe veut se débarrasser de l'image peu glorieuse de syndicat des dictateurs, 18 de ses 22 membres ont voté ses décisions (trois se sont prononcés contre la Syrie, le Yémen et le Liban – et l'Irak s'est abstenu) dont celle appelant «tous les courants de l'opposition à se mettre d'accord sur un projet unique pour la gestion de la transition prochaine en Syrie». Cette précision, donnée à la presse par le ministre qatari des Affaires étrangères, suggère clairement que la Ligue est déjà dans l'après-Assad. Premier acte de cette feuille de route, la Ligue arabe a dit souhaiter rencontrer tous les courants de l'opposition syrienne «sous trois jours au Caire». C'est dire que cette organisation semble sur la même longueur d'onde que l'opposition syrienne incarnée notamment par le CNS de Burhan Ghalioune, et dont la suspension de l'adhésion de la Syrie à la Ligue était l'une des principales revendications. Reste à savoir quelle sera la réaction du tyran de Damas qui a tué plus de 3600 personnes en quelques mois. Mais les premiers commentaires de son ambassadeur au Caire, qui a qualifié «d'illégales» les mesures de la Ligue, ne laissent pas trop de suspense. El Gueddafi, Al Assad, même combat et certainement même fin. Tragique.