La Ligue arabe n'est plus le syndicat de chefs d'Etat qu'on connaissait depuis sa création. Durant cette année 2011, elle a rompu à deux reprises le consensus qui a guidé jusque-là son action. Hier, elle a franchi un grand pas en décidant la suspension de la Syrie, chose inimaginable il y a un an, surtout que le pays en question est un acteur majeur de la ligne de front. Chambre d'enregistrement jusque-là des desiderata des régimes qui la composent, si elle n'est pas purement et simplement un appendice de la diplomatie égyptienne, la Ligue est-elle devenue, par on ne sait quelle alchimie, une militante des droits de l'homme et des peuples ? Cela veut-il dire que des régimes obscurantistes comme les pays du Golfe sont brusquement devenus d'ardents défenseurs de la démocratie ? Il ne faut pas rêver. C'est une très belle chose d'aider le peuple syrien dans sa quête de liberté et sa volonté affichée de se débarrasser d'une dictature sanguinaire. Mais il faut être prudent quand on voit des ennemis de la liberté comme les monarchies arabes défendre cette liberté. En effet, en appelant à la zone d'exclusion aérienne en Libye sous le prétexte de protéger le peuple libyen contre le massacre que lui a promis le sanguinaire Mouammar El Gueddafi, la Ligue arabe a donné implicitement le feu vert à une intervention de l'OTAN. Les dirigeants arabes voulaient se débarrasser d'un homme qui a passé son temps à les insulter et à vouloir les déstabiliser. Idem pour le pouvoir baâthiste de Damas. Il est connu pour semer la subversion et développer le terrorisme là où il a la possibilité de le faire. En plus, il est Alaouite, ce qu'abhorrent les régimes sunnites de la région. Une chose est sûre : la Ligue n'est plus ce qu'elle était. Les pays progressistes qui en faisaient partie ont disparu. Elle est aujourd'hui dirigée par les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui lui dictent désormais la marche à suivre, renforcés en cela par le Maroc et la Jordanie, auxquels ils ont offert des strapontins dans ce même CCG. Et ils ont derrière eux la Turquie de l'islamiste Tayyep Erdogan, poste avancé de l'OTAN, avec lequel ils font la même analyse. On ne sait pas si les décisions sur la Syrie vont faire de l'effet. Par contre, force est de constater que le Monde arabe est entraîné aujourd'hui par des forces rétrogrades qui défendent des intérêts familiaux et claniques et enfoncent davantage leurs peuples dans la dépendance de l'Occident. De toute évidence, ils n'agissent pas pour les beaux yeux du peuple syrien dont le sort les indiffère.