La rumeur a commencé à grossir depuis mercredi dernier ; Nordine Cherouati, fraîchement installé à la tête de Sonatrach, serait sur le point d'être remercié. Depuis la semaine dernière, ces rumeurs revenaient comme une prière, assaisonnées de noms invoquant d'éventuels successeurs à l'actuel PDG de la compagnie publique des hydrocarbures. Nordine Cherouati était, hier, toujours en poste. Il a tenu à apporter des réponses à certaines de nos questions, traitant d'un climat social peu confortable sur lequel sont assises les populations actives des régions de Sonatrach au Sud. Cependant, sollicité afin de répondre à cette interrogation : «Nous voudrions également vous faire réagir à propos d'un autre sujet ; quelle est la réaction de l'actuel PDG de Sonatrach (c'est-à-dire vous-même) face aux rumeurs persistantes de votre retrait de la gestion de l'entreprise et qu'en est-il réellement de l'état de vos relations avec le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi ?» Le PDG de la première entreprise africaine a tenu à répondre par ces quelques mots, rapportés par son attaché de presse, M. Khelfi : «Nordine Cherouati ne répond pas aux rumeurs.» Cela n'empêche pas la persistance des «vrombissements» dans les coulisses du groupe, annonçant des noces rebelles auxquelles s'adonnaient les deux hommes du secteur, Youcef Yousfi et Nordine Cherouati, respectivement ministre de l'Energie et des Mines et PDG de Sonatrach. «Les deux hommes divergent sur des aspects subjectifs, relevant de leurs deux personnalités respectives, mais aussi sur des questions en relation avec le modèle de gestion de l'entreprise et de la vision de chacune des deux personnes», nous témoigne un cadre de la compagnie, très au fait des secrets de la «boîte». Contrairement à Youcef Yousfi, considéré comme étant une personne «discrète, extrêmement prudente, qui aime consulter et être consulté», Nordine Cherouati est réputé, lui, «d'être très indépendant, voire une personne qui précipite beaucoup la prise de décision». A l'étude des caractères des deux hommes, il apparaît, en conclusion, une différence criante entre deux ensembles, dont l'un est constitué d'éléments subjectifs qui n'appartiennent pas à l'autre. La «différence de potentiel» entre les deux personnes provoque donc naturellement la tension qui les sépare actuellement. Mais dans les faits, il est reproché à l'actuel patron de la première entreprise africaine d'avoir «pondu» un organigramme «qui n'est aucunement adapté à la situation actuelle», affirme un autre cadre qui a voulu s'exprimer sous le couvert de l'anonymat pour des raisons évidemment professionnelles. Selon notre interlocuteur, le PDG de Sonatrach est critiqué également sur le fait d'avoir «mis en place des structures qui ne peuvent pas faire face à la concurrence étrangère». Mais il est à son désavantage d'avoir hérité d'une situation catastrophique dans laquelle s'était embourbée Sonatrach des années durant. Désinvestissement, grogne dans les plateformes de production, démotivation chez les cadres, scandales de corruption, etc. Cet amalgame, dont la dose de toxicité est maximale, était confié à l'actuel dirigeant qui devait, à son arrivée, redresser le navire et relooker son image à l'international. Cependant, les firmes ne se bousculent plus au portillon, une situation bien visible au lancement de chacune des dernières séries d'appels d'offres. «Ce n'est pas la faute à Cherouati, mais c'est l'actuelle loi sur les hydrocarbures qui fait fuir les investisseurs étrangers par son caractère très restrictif», nous explique un spécialiste du secteur. Autrement dit, les découvertes ne peuvent plus répondre à une fiscalité beaucoup trop élevée par rapport au volume des découvertes. En définitive, la situation au niveau de Sonatrach ne s'est pas encore redressée depuis les derniers scandales de corruption qui ont décapité son ancienne direction. La guerre froide que se livrent les deux hommes du secteur a compliqué davantage la donne. Selon le scénario le plus en vue, «le divorce des deux hommes devrait se confirmer tôt ou tard», par «manque de compatibilité de caractères et de visions». Mais s'il y a décision de ce genre, celle-ci devrait être acquiescée inévitablement par certaines hautes sphères du régime.