L'avenir immédiat du régime syrien va probablement se jouer aujourd'hui au Maroc. Face au refus de Damas d'appliquer son plan de sortie de crise, la Ligue arabe a décidé, en effet, de tenir une nouvelle réunion – celle-ci se tiendra en marge de travaux de la 4e session du forum de la coopération arabo-turque – à Rabat pour déterminer la conduite à tenir vis-à-vis de ce pays qui a franchi le Rubicon de la répression. La Turquie, qui abrite une grande partie de l'opposition syrienne et qui a adopté, ces derniers temps, une attitude frontale vis-à-vis du régime de Bachar Al Assad a, bien entendu, tenu à y assister. Il se peut bien que ce rendez-vous de la Ligue arabe soit celui de la dernière chance pour Damas dans la mesure où les monarchies arabes du Golfe se sont fermement opposées, hier, à la tenue du sommet arabe extraordinaire réclamé par la Syrie. «Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) estime que la demande de la tenue d'un sommet arabe dans ces circonstances est inutile» vu que les ministres arabes des Affaires étrangères doivent se réunir mercredi (aujourd'hui, ndlr) à Rabat, a affirmé dans un communiqué, mardi à Riyad, Abdelatif Zayani, le secrétaire général du CCG qui regroupe 6 pétromonarchies. Celles-ci ont en commun d'être toutes en froid avec la Syrie. Cette réunion extraordinaire de Rabat intervient à un moment où la Syrie a connu l'une des semaines les plus meurtrières depuis le début, en mars, des manifestations anti-régime. Plus de 70 personnes (entre civils et militaires) ont été tuées en l'espace d'à peine de 24 heures. L'ONU évalue, rappelle-t-on, à 3500 le nombre de personnes qui sont tombées sous les balles de l'armée syrienne depuis le mois de mars dernier. Ajouté à cela, le pays sombre chaque jour un peu plus dans le chaos. Que se passera-t-il si la Syrie – qui se dit «victime d'un complot américain» – refuse encore d'«obtempérer» ? La crise syrienne risque tout simplement de s'internationaliser et de se militariser davantage. Dans les faits, le dossier syrien s'est déjà internationalisé. Et il n'est pas faux de dire que le temps joue, désormais, contre Bachar Al Assad puisqu'il a déjà perdu le contrôle de la situation à tous points de vue. A commencer par le pendant diplomatique de la crise. Pour preuve, la Turquie a quasiment reconnu le Conseil national syrien (CNS) qui rassemble une partie de l'opposition et qui a été formé au fil de plusieurs réunions sur son sol. Comme il fallait s'y attendre, les prises de position turques et arabes ont conforté Washington et Bruxelles qui, de leur côté, multiplient les sanctions pour asphyxier Damas. Aujourd'hui, Ankara pourrait encore annoncer des mesures contre le régime syrien dans le cadre de cette concertation turco-arabe. Selon des sources diplomatiques, le gouvernement turc chercherait uniquement la couverture arabe pour donner le «coup de grâce» à son ancien allié. Résultat des courses : la Syrie n'a plus comme alliés que la Russie et la Chine, qui bloquent toujours toute action au Conseil de sécurité de l'ONU. Moscou et Damas sont liés par un traité de défense qui remonte à l'ère soviétique. Mais même Moscou – qui est passé maître dans l'art du double jeu – paraît agir comme elle l'a fait en Libye. Sinon, comment expliquer que les Russes ont commencé à établir des contacts avec l'opposition syrienne ? Autre élément qui dénote de l'évolution de la position russe : le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné, hier, «dans les termes les plus fermes», les attaques perpétrées contre plusieurs ambassades en Syrie. D'ordinaire divisé sur la Syrie et la répression sanglante des manifestations, le Conseil a exprimé «sa profonde inquiétude à propos de la répétition de telles attaques». Inutile de dire que cette condamnation n'aurait pas pu se faire sans l'aval de Moscou et de Pékin. Comme quoi en diplomatie, rien n'est jamais acquis. Encore moins définitif. Conséquence : la Syrie est un pays isolé du monde, tout comme l'est d'ailleurs l'Iran, son dernier allié. Le revirement inattendu de la Russie Eu égard à l'urgence de la situation en Syrie, la Ligue arabe avait, rappelle-t-on, suspendu le 12 novembre dernier la participation de la Syrie à ses réunions. Cette suspension doit d'ailleurs prendre effet aujourd'hui. L'organisation panarabe avait également menacé le régime syrien de sanctions si jamais il continuait à ignorer ses recommandations de sortie de crise. Pour le moment, la seule concession faite par Damas a consisté en la libération, hier, de 1100 manifestants «impliqués» dans les événements, parmi lesquels figure l'opposant Kamal Labouani, condamné à 12 ans de prison pour avoir engagé des «contacts» avec les Etats-Unis visant à les inciter à attaquer la Syrie. A travers ce geste pris sur le tard, Bachar Al Assad parviendra-t-il vraiment à accréditer l'idée que la Syrie est en train de changer de cap ? Certainement pas au vu du terrible drame que les Syriens ont vécu ces derniers mois. En tout cas, à l'heure qu'il est, personne n'en est vraiment convaincu.