-A qui peut-on imputer la situation de crise qui touche la zone euro depuis plusieurs mois ? La crise de la dette publique touchant la zone euro est souvent analysée comme une crise d'origine interne. Mais sa cause profonde est externe. En effet, un pays s'endette lorsque sa balance courante (importations et exportations de biens et services plus les mouvements de capitaux) est déficitaire. En simplifiant, si un pays exporte moins qu'il n'importe, il est obligé de financer son déficit en s'endettant (situation que nous avons bien connue en Algérie). Quand un pays en déficit de la balance courante ne reçoit plus de flux de financement, ses taux d'emprunt vont alors augmenter, au point de menacer sa capacité à rembourser. Ce sont ces mécanismes qui sont à l'œuvre et qui sont à l'origine de la crise que traverse la zone euro. A titre d'illustration, l'Allemagne, qui n'est pas aujourd'hui en situation de déficit, emprunte à un taux inférieur de 2% à celui de la France sur 10 ans et cet écart va même jusqu'à 5% pour l'Espagne. La France et l'Espagne étant en situation de déficit extérieur. Ces déficits résultant de modèles économiques où la croissance est tirée par la consommation et/ou le déficit public. Ainsi, ces pays se «désindustrialisent» ce qui, conjugué à une baisse du financement de leurs déficits, a causé cette crise. -Peut-on parler d'échec de l'intégration économique européenne ? Sans parler d'échec, on peut observer aujourd'hui que la zone euro est constituée de deux types de pays aux caractéristiques bien distinctes. Les pays industriels (et exportateurs), représentés par l'Allemagne (les Pays-Bas, la Belgique, etc.) et les pays désindustrialisés (et importateurs) représentés par la France (l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce). Les différences entre les deux groupes se sont d'ailleurs accentuées depuis la création de la zone euro. Ainsi, les pays industriels ont une balance excédentaire (entre 4 et 6 % du PIB depuis 2009) et les pays qui se sont désindustrialisés sont déficitaires (entre – 2% et – 4%). -Au vu de la situation qui prévaut, quel avenir envisager pour l'euro ? Il est clair que si la situation ne change pas, l'euro est menacé. La solution à cette crise est éminemment politique. Elle peut agir comme accélérateur et favoriser l'intégration et la solidarité budgétaire de la zone, ou au contraire précipiter son implosion. L'Europe, mais aussi les Etats-Unis, font face aujourd'hui à un défi majeur. Ces pays doivent revoir leur modèle de croissance et repenser leur mode de financement. Les crises dues aux subprimes et de la dette sont les revers de la même médaille. Dans l'un et l'autre cas, l'on a cherché à compenser la baisse structurelle de création de richesses et donc de l'industrie par l'encouragement de la consommation, elle-même tirée par l'endettement privé, puis public. Ce modèle est à bout de souffle et le seul «shoot» dont disposent les pays occidentaux passe par une intervention massive des banques centrales (la FED l'a déjà fait, la BCE en est empêchée pour le moment par ses statuts) dans l'économie. Leurs bilans ressembleront alors de plus en plus à des bilans de hedge funds et nous voyons bien que la solution à moyen/long termes ne réside pas là. -Tout au long de la période de crise, l'Allemagne est apparue en position de force et de leader. Qu'est-ce qui fait cette force, alors que la zone euro est affaiblie ? L'Allemagne reste un pays industriel dont la croissance est tirée par les exportations, tel que nous l'avons évoqué plus haut. Cette capacité à exporter est liée à un effort d'innovation, une politique salariale plus favorable aux entreprises et à une pression fiscale plus faible aboutissant à des entreprises plus solides financièrement. Même si le poids de l'industrie manufacturière allemande dans l'emploi a baissé, il reste l'un des plus élevés des pays développés à environ 20% du total. Dans le PIB, cette part est de 20%, là où ces mêmes chiffres sont inférieurs à 12% en France, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.