L'ampleur du déficit budgétaire américain a poussé les marchés à délaisser le dollar et à prophétiser sa déchéance prochaine. C'est pourtant de l'autre côté de l'Atlantique que le préjudice subi est le plus important : la zone euro est en effet la première à pâtir de cette posture. L'euro vaut maintenant aux alentours de 1,40 dollar. Surévalué, il pèse lourdement sur une économie déjà fragilisée. Dans la zone euro, le produit intérieur brut (PIB) s'est contracté de 4,6 % entre avril 2008 et mars 2009, tandis qu'aux Etats-Unis il ne reculait que de 2,6 %. En outre, les taux d'intérêt sont plus élevés dans la zone euro, alors même que la déflation menace. La vigueur de sa devise a rendu l'économie de la zone euro beaucoup moins compétitive que celle des Etats-Unis, du Japon, du Royaume-Uni et de la Chine, ses principales rivales. Le grand pays d'exportation qu'est l'Allemagne a été durement touché. Entre avril 2008 et mars 2009, ses exportations ont chuté de 17,2 %, et son PIB de 6,7 %. Si l'Allemagne traverse la crise économique la plus sévère depuis la dernière guerre, la récession pourrait se révéler encore plus catastrophique pour les pays de la zone euro dont les finances publiques sont mal assurées. Pour l'économie irlandaise, par exemple, la contraction pourrait aller jusqu'à 9 % en 2009. Aux beaux jours de l'expansion, les salaires et les prix ont augmenté bien plus vite qu'en Allemagne. L'Irlande a ainsi beaucoup perdu en compétitivité. Le scénario est le même en Espagne, au Portugal et en Grèce. Pour tous ces pays, le développement économique est allé de pair avec une inflation des prix et des salaires supérieure à celle de l'Allemagne. A l'époque, personne ne s'en formalisait : les capitaux affluaient, et l'euro entretenait l'euphorie. Aujourd'hui, c'est différent. La compétitivité des trois pays s'est dégradée par rapport à celle de l'Allemagne, elle-même globalement affaiblie du fait de la force de l'euro. La seule façon de redresser la barre est de réduire le coût du travail, mais il n'est jamais facile de faire accepter des baisses de salaire. De plus, ce type de mesure aurait surtout pour effet immédiat de déprimer la consommation et donc d'aggraver la récession. Les niveaux d'endettement constituent un autre point noir pour certains pays de la zone euro. La dette de l'Italie est supérieure à la valeur de son PIB, ce qui ne lui laisse pas vraiment les moyens de mettre sur pied un plan de relance. De son côté, l'Irlande lève de nouveaux impôts et tente de réduire la dépense publique, car les marchés estiment que si le déficit budgétaire n'est pas maîtrisé, le risque de défaut sera élevé. La zone euro va souffrir terriblement, et il est possible que l'exclusion de certains membres de moindre importance s'impose. En propulsant l'euro vers les sommets alors que les chances de reprise sont bien plus élevées aux Etats-Unis, les marchés ne lui ont pas vraiment fait une fleur.