La tension reste vive place Tahrir, alors que le Conseil suprême des forces armées (CSFA) décide du maintien de la tenue des élections législatives à la date prévue et multiplie les tractations pour former un nouveau gouvernent. Le Caire. De notre envoyé spéciale Ainsi, l'Egypte s'apprête à vivre, aujourd'hui, un autre vendredi de mobilisation générale à l'appel de l'Alliance des comités révolutionnaires, soutenue par l'ensemble de la classe politique, à l'exception de la confrérie des Frères musulmans. Objectif : exiger le départ de l'armée du pouvoir et remettre dans les plus brefs délais les rênes à un pouvoir civil. Le Caire était relativement calme, hier. Mais un calme qui précède la tempête. Le bras de fer risque de franchir ainsi un autre cap entre le peuple de la place Tahrir et le pouvoir militaire. Chaque camp campe sur ses positions. Une course contre la montre s'engage donc pour désamorcer désespérément la colère de la rue. Le Conseil suprême des forces armées a présenté, hier, des excuses aux familles des victimes tombées sous les balles assassines des forces de police. Le CFSA «exprime ses regrets et présente ses profondes excuses pour la mort en martyrs d'enfants loyaux de l'Egypte durant les récents événements de la place Tahrir», a indiqué le pouvoir militaire dans un communiqué. Le calendrier électoral, lui, est maintenu.Le président de la commission électorale, Abdel Moez Ibrahim, et un membre du Conseil suprême des forces armées, le général Mokhtar Al Moullah, ont indiqué, lors d'une conférence de presse conjointe hier au Caire, que «les élections législatives auront bien lieu lundi prochain», et ce, en dépit des troubles qui secouent le pays. Tandis que le ministre de l'Intérieur du gouvernement démissionnaire, Mansour El Essaoui, a proposé dans la matinée d'hier de «reporter la première phase des élections». La question reste posée. Tout dépendra de la mobilisation d'aujourd'hui. «Avec un million de personnes à Tahrir et dans d'autres villes du pays, le Conseil militaire fera machine arrière», estime le leader de Mouvement Kifya, George Isshak. Le général Al Moullah de son côté a essayé de minimiser le poids des manifestants présents place Tahrir. «Nous respectons leur point de vue, mais ils ne représentent pas le peuple égyptien», a-t-il fait savoir. Il a également déclaré que le CFSA espère former le gouvernement avant le début des élections. Plusieurs noms circulent pour diriger le nouveau gouvernement. La piste de Mohamed El Baradei semble écartée, dès lors qu'il n'a pas souhaité prendre ce poste alors que les élections sont maintenues. Cependant, l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe et ancien chef de la diplomatie de Moubarak, Amer Moussa, est sérieusement pressenti pour prendre le poste. Lui qui s'est gardé de commenter le discours du maréchal Tantaoui de mardi, a déclaré que «le prochain gouvernement devrait être doté de larges et sérieuses prérogatives pour pouvoir mener à terme la transition». Devant ce cafouillage général, la classe politique égyptienne reste divisée. Les partis de gauche, les libéraux et de nombreuses autres personnalités politiques font corps avec les manifestants de la place Tahrir et exigent le report des élections. Seul le Parti de la liberté et de la justice, bras politique de la confrérie des Frères musulmans qui milite pour la tenue des élections lundi prochain. «Les Frères, par opportunisme politique, ont toujours privilégié leurs intérêts à ceux des revendications du peuple. Ils ont pactisé avec le Conseil militaire contre les manifestants. Ils ont donné des instructions à leurs troupes de ne pas descendre aujourd'hui pour manifester avec les autres forces politiques», a analysé le politologue Hassan Nafei de l'université du Caire. En somme, près de dix après la chute du clan de Moubarak, la transition démocratique en Egypte se trouve coincée au grand carrefour de la place Tahrir. Le virage démocratique égyptienne se négocie difficilement dans la douleur, voire même dans la tragédie.