ALGER - Les manifestants poursuivaient jeudi leurs rassemblements à travers l'Egypte, notamment au Caire, où un calme relatif était observé au milieu d'appels à de nouvelles manifestations, alors que les Frères musulmans (opposition) ont mis en garde contre un départ précipité de l'armée. Après plusieurs jours d'affrontements violents entre forces de l'ordre et manifestants qui ont fait des dizaines de morts et de blessés, la capitale égyptienne a renoué jeudi avec le calme, selon l'agence Mena, en dépit de quelques incidents constatés dans la matinée aux abords de la célèbre place Tahrir. Ce haut lieu de la révolution égyptienne ne désemplit pas pour autant, et les protestataires, qui réclament le départ de l'armée du pouvoir, poursuivaient leurs rassemblements sous l'oeil attentif des forces de l'ordre toujours présentes. Afin d'éviter de nouvelles violences, un accord aurait été conclu, selon le ministère de l'Intérieur, "entre les forces de sécurité et les manifestants portant sur l'arrêt total des heurts entre les deux parties dans la rue Mohamed Mahmoud qui mène au ministère de l'Intérieur". Le ministère s'est félicité de cette accalmie "grâce à la coopération des jeunes de la révolution". Selon un nouveau bilan officiel, les heurts ont fait 38 morts depuis samedi. Plus tôt dans la journée, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui gère le pays, a présenté des "excuses" pour "la mort en martyrs d'enfants loyaux de l'Egypte durant les récents événements de la place Tahrir". Les forces de l'ordre ont été notamment accusées par des militants et des médecins de viser les manifestants aux yeux avec des tirs de balles en caoutchouc. L'usage massif de gaz lacrymogènes est également mis en cause dans des décès par asphyxie. Alors que la situation demeurait tendue dans le pays, des partis et des forces politiques, dont la coalition de jeunes de la révolution, ont lancé un appel à des manifestations massives vendredi au Caire et dans les autres villes égyptiennes. D'après le quotidien Al-Ahram, ces manifestations dénommées "le millionième de la dernière chance", sont à l'initiative d'une dizaine de partis politiques qui ont mis sur la table des revendications en six point : dont la fin de la violence, des excuses de l'armée, la formation d'un gouvernement de salut national. Pendant que les appels se multiplient réclamant que l'armée quitte le pouvoir, des généraux du Conseil suprême des forces armées ont récusé ces appels "dans les circonstances actuelles". "Le peuple nous a confié une mission et si nous y renonçons maintenant cela voudrait dire que nous trahissons le peuple", a estimé le général Moukhtar el-Moullah, en soulignent que le but de l'armée "n'est pas de quitter le pouvoir ou de rester au pouvoir", mais de respecter son "engagement vis-à-vis du peuple". Principale force d'opposition en Egypte, les Frères musulmans, se sont également opposés au départ précipité de l'institution militaire, avertissant que cela risquerait de provoquer le désordre. Le porte-parole de ce mouvement, Mahmoud Ghazlan, a souligné que la démission du chef du Conseil suprême des forces armées, le maréchal Hussein Tantaoui "avant le scrutin parlementaire provoquerait l'anarchie en Egypte". Cette "démission pourrait plonger l'Egypte dans l'anarchie car l'armée est la seule solide institution d'Etat" dans le pays, après la révolution du 25 janvier qui avait conduit à la chute de l'ex président Hosni Moubarak, a-t-il estimé. "L'inconscience politique a conduit les manifestants à réclamer la démission du CSFA avant les élections parlementaires, prévues le 28 novembre". Ces élections qui sont "le seul moyen par lequel on peut rendre le pouvoir au peuple", ne pourront pas avoir lieu dans "un climat d'anarchie", a-t-il ajouté. Le Maréchal, Tantaoui avait réaffirmé mardi que "l'armée ne veut pas le pouvoir" et qu'elle était "tout à fait prête à remettre les responsabilités immédiatement, si le peuple le souhaite, à travers un référendum populaire". Dans un discours télévisé à la nation, il a avait annoncé que les élections législatives se tiendront à la date prévue, alors que la présidentielle, aura lieu avant fin 2012. Les électeurs égyptiens sont appelés à élire les membres l'Assemblée du peuple (chambre des députés) le 28 novembre, puis élire ceux du Sénat (Choura). L'ensemble de ce processus électoral durera près de quatre mois.