Une femme violentée toutes les heures. Des coups, des injures, des harcèlements, des abus sexuels, le viol. Dans près de 60% des cas, ces actes intolérables sont portés par les mains légères d'un mari, la main baladeuse d'un père, les mains lourdes d'un frère ou celles des oncles. Elles ont été 7042, durant les 9 premiers mois de l'année, à s'en plaindre à la police. Un bilan presque identique qui tombe chaque année à la même date, le 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences à l'égard des femmes. A quelques différences près, moins de femmes osent sortir du mutisme pour dénoncer les violences qu'elles subissent, plus de femmes n'en sortent qu'une fois mortes. 24 décès cette année. Ces actes de violence «ne cessent de progresser, notamment dans la capitale, où 1238 cas de violence ont été recensés», a précisé Kheira Messaoudène, commissaire principal à la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) chargée des affaires de violence contre la femme, à l'occasion de la célébration de ce triste rendez-vous. Parmi ces femmes qui ont osé se diriger vers les postes de police, 5047 ont subi des violences corporelles, 1570 ont été victimes de mauvais traitements de la part de leurs ascendants, 273 d'abus sexuels et 4 d'inceste. Des chiffres qui, aussi alarmants soient-ils, sont loin de représenter la réalité. Djaâfri Djadi, présidente de l'Observatoire algérien de la femme (OAF), a souligné, jeudi à Alger, lors d'une rencontre officielle pour le lancement d'une campagne de sensibilisation sur la question : «Les femmes victimes de violences évitent de porter plainte de peur du divorce et d'autres violences physiques.» Un cycle de peur qui se referme dramatiquement sur elles, parfois. 24 femmes ont été victimes d'homicide volontaire suite à des violences depuis le début de l'année. Une violence par heure et des silences Selon les statistiques de la DGSN, 1537 femmes victimes de violences n'ont aucun niveau d'instruction ; 1502 femmes ont un niveau d'instruction en deçà de la moyenne et 1465 femmes ont un niveau moyen. Celles sans profession sont les plus exposées à la violence avec 4734 femmes ayant osé porter plainte. A ces chiffres s'ajoutent d'autres bilans affolants. La Gendarmerie nationale a recensé, de son côté, 5683 cas de différentes formes de violences contre les femmes depuis le début de l'année. Il est difficile d'établir des statistiques fiables autour de cette problématique tant elle est entourée de tabous et de peur. Plusieurs spécialistes, activant sur le terrain, s'accordent à le souligner. Dalila Djerbal, sociologue et présidente du réseau Wassila, en fait partie. Elle l'a d'ailleurs précisé lors d'une rencontre, jeudi à Alger : « Bien que l'Algérie ait amendé ses textes et que les coups et blessures soient considérés comme un délit puni d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison lorsqu'il y a préméditation ou port d'armes (article 266 du code pénal), cela reste insuffisant pour enrayer la violence à l'égard de la femme, d'autant que les victimes, par peur du divorce ou de vengeance, hésitent souvent à porter plainte.» Elle a également appelé à la mise en place d'une «loi-cadre» définissant toutes les formes de violences exercées contre la femme. Une loi qui, même si elle voyait le jour, aurait certainement du mal à détruire tous les tabous qui alimentent ce mal.