Chaque 25 novembre, les projecteurs sont braqués sur les souffrances muettes de milliers de femmes victimes de violence à travers le monde. Ce fléau touche de larges pans de la société algérienne et n'épargne aucune catégorie sociale. Dans le cercle fermé de la famille, dans le milieu professionnel ou dans la rue, les pires humiliations peuvent devenir la règle quel que soit le niveau social ou culturel de la victime ou du bourreau. Battues, enlevées, harcelées, séquestrées, violées, menacées de mort, tuées : la violence faite aux femmes a atteint un seuil intolérable. Durant les dix premiers mois de l'année en cours, la Gendarmerie nationale a enregistré 627 cas de femmes victimes de violence, dont 268 ont été agressées avec arme blanche, 5 enlevées, 4 séquestrées et 91 battues par leurs enfants. Durant le premier semestre 2006, les services de sécurité ont enregistré 4268 femmes victimes de violence, parmi lesquelles 25 n'ont pas survécu à leurs blessures. Ces chiffres ne cessent d'augmenter chaque année. En 2005, les services de police ont enregistré 7419 cas de violence, dont 5179 sont physiques, 277 sexuelles, 1753 mauvais traitement, 34 assassinats et 176 cas de harcèlement sexuel. De 2004 à 2005, le nombre de victimes de violence sexuelle a atteint 979, selon la gendarmerie. Le foyer familial, lieu où s'exerce cette violence, est devenu beaucoup plus dangereux pour de nombreuses femmes, notamment mariées, que la rue. Etant donné que le fléau touche tous les pays du monde, la communauté internationale a consacré la journée du 25 novembre pour la lutte contre les violences faites aux femmes. A cette occasion, la Commission nationale des femmes travailleuses (CNFT) de l'UGTA a tiré la sonnette d'alarme sur le fléau du harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes travailleuses. Rompre le silence Mme Soumia Salhi, présidente de cette commission et responsable du centre d'écoute et d'aide aux femmes victimes de harcèlement sexuel (ouvert en décembre 2003 avec un numéro vert 021 66 36 60), a estimé qu'il « n'est plus question d'écouter seulement mais d'agir pour rompre le silence qui entoure ce fléau et l'isolement auquel sont contraintes les victimes ». Selon elle, de janvier à octobre 2005, le centre a reçu 248 appels de femmes harcelées, dont 200 témoignages directs, contre 283 pour la même période de 2006, dont 191 sont des témoignages directs. De janvier à décembre 2004, elles étaient au nombre de 393 victimes à avoir été prises en charge par le centre, sur 942 qui ont appelé. « Cette violence subie dans le silence, la honte et la culpabilité a trouvé un écho au centre d'écoute. Elles sont nombreuses à avoir franchi le pas et accepté de parler de cette agression qui mine leur santé et affecte leurs capacités habituelles de fonctionnement au travail et au foyer. Elles ont rompu le silence en désignant leur agresseur (...). La rareté et la précarité de l'emploi forment un terreau propice à l'extension de ce fléau. Les mots ne pourront jamais traduire les souffrances et la détresse de ces femmes qui nous appellent après avoir subi le viol de la conscience et celui du corps. » Mme Salhi a cité l'exemple de Houria, 24 ans, violée lors de l'accomplissement des heures supplémentaires pour le bilan annuel par son supérieur hiérarchique qu'elle considérait comme un grand frère, ou encore celui de Fariza, célibataire, 25 ans, qui se voit proposer un séjour dans une station thermale par son responsable au moment où elle négociait son contrat de travail. Elle a également rappelé l'histoire de Naïla, 34 ans, qui porte un hidjab très strict qui fait tout pour éviter l'agression de la part de son directeur au point où elle a fini par porter le djilbab (voile iranien), arraché par son harceleur qui ne supportait pas son refus. Autant de drames et d'appels à l'aide qui ont donné « espoir » à la CNFT de voir un jour s'opérer le changement. La commission a lancé un appel pour une action collective contre le harcèlement à travers l'introduction dans le règlement intérieur des entreprises d'une clause pour son interdiction et sa sanction, la mise en place d'un dispositif collégial chargé du recrutement, la création de comités syndicaux de femmes, l'amendement de l'article 341 bis du code pénal pour l'octroi de dommages et intérêts aux victimes et la protection des témoins. Par ailleurs, le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), Boudjemaâ Ghechir, a cité de nombreux cas qu'il a eus à traiter, comme celui d'un groupe d'enseignantes à Constantine qui se sont plaintes de leur directeur et qui ont été suspendues ainsi que leur harceleur par la direction de l'éducation. Il a appelé les associations à travailler en réseau pour réclamer l'amendement de l'article 341 du code pénal qui consacre la condamnation du harcèlement sexuel à des peines d'emprisonnement de deux mois à une année et une amende allant de 50 000 à 100 000 DA, afin qu'il puisse donner la possibilité aux victimes d'engager rapidement une action en justice, surtout lorsque les auteurs du crime sont leurs responsables hiérarchiques.