Ebullition avant-hier soir au siège de la sûreté de wilaya de Tindouf, ville à 2000 km au sud-ouest d'Alger qui a connu une série d'émeutes depuis mercredi 18 janvier. La police a interpellé onze personnes qui ont été présentées, hier, à la justice pour participation et appel à l'émeute. « On craint que cette mesure contredise les efforts d'apaisement menés par les élus locaux et les notables », regrette un élu FLN de l'APW. Le mouvement de colère a été déclenché suite à une décision de justice rendue, mercredi 18 janvier, concernant l'agression de Hocine Slimani, agent de sécurité à la salle omnisports de la ville par deux individus la nuit du 24 décembre 2005. Les 5000 DA d'amende et le mois de prison ferme du verdict contre un des agresseurs ont été jugés par l'assistance présente à l'audience « inadmissible et léger ». S'ensuit alors la destruction du restaurant-bar qu'aurait fréquenté l'agresseur juste avant son forfait contre Slimani et plusieurs jours d'affrontements sporadiques entre jeunes et forces antiémeutes appelées en renfort de Béchar et Saïda. Le calme est revenu peu à peu à Tindouf, mais les interpellations d'avant-hier risquent, aux yeux de la rue tindoufie, de relancer la sédition de plus belle, car parmi les interpellés figure, en plus de l'agresseur Kamel Haouchi, Slimani Amir, 41 ans, deux enfants, directeur de la piscine semi-olympique et...frère de Hocine, l'agent de sécurité agressé le 24 décembre dernier. Il s'agit des principaux meneurs de l'émeute : l'un, Kamel Haouach, est sorti du tribunal proclamant qu'il avait de l'influence, et l'autre, Amir Slimani, avait publiquement déclaré que « si le verdict n'est pas sévère les gens se rassembleront et occasionneront de la casse », indique, en égrenant un chapelet, Mohamed Bousmaha, wali de Tindouf. « Les services de sécurité ont des preuves contre Slimani Amir. Il a été filmé. On ne peut contester une décision de justice que par des voies légales », poursuit le wali qui vient de rentrer du pèlerinage. Des notables de la ville supposent que ces dernières interpellations sont le fruit amer de la pression du ministère de l'Intérieur sur la wilaya. « Alger veut en finir par tous les moyens. Mais ce n'est certainement pas le bon », indique-t-on. D'autres avancent que le document attaquant la gestion du wali, avec en en-tête la motion « Déclaration des notables, cadres et élus de Tindouf » et qui a été distribué il y a trois jours, aurait poussé la wilaya à « se venger ». Contre qui ? « Les interpellations font suite à des plaintes déposées par les responsables des établissements publics ayant subi des dommages lors des derniers événements », riposte le wali citant les sièges de l'APC, de l'Urbanisme, des Télécommunications et de l'APW, l'éclairage public, etc. Contacté, le président de l'APW dément avoir déposé plainte. « Le 18 janvier, des gens ont fracassé la porte extérieure, l'ont brûlée et jetée à terre. Ils se sont introduits dans le siège de l'APW et ont détérioré deux bureaux », témoigne un élu de l'Assemblée populaire wilayale. « C'était plutôt un message : la porte symbolisant la fermeture de l'administration et les bureaux, d'ailleurs en piteux état avant leur dégradation, figuraient les réunions de l'assemblée qui ne changeaient pas grand-chose dans le quotidien des gens d'ici », poursuit le même élu qui accuse, à son tour, l'administration de marginaliser les élus. Bruits d'émeute « On tente de calmer les esprits, de sensibiliser les parents pour surveiller leurs enfants qui s'amusent à harceler les policiers. On mobilise les notables et les comités de quartier pour l'apaisement, et cette nouvelle série d'interpellations nous tombe dessus. On ne sait plus quoi faire », dit, le découragement dans la voix, un des proches de la famille Slimani. « La famille a tout fait pour calmer les gens afin que les retombées des événements ne lui soient pas totalement imputées. Les notables ont authentifié le geste de pardon des Slimani envers l'agresseur de Hocine. Il faut aller dans ce sens, déposer l'appel et attendre son résultat. Maintenant, on craint le pire », s'inquiète un voisin des Slimani. « Trop de hogra ici ! A Alger, je suis sûr qu'on juge le riche et le pauvre de la même manière. Pas ici. Moi je me casserai de cette ville dès que je termine les études. Hogra ! Où va l'argent qu'Alger envoie pour développer Tindouf ? », nous interpelle un Tindoufi de onze ans. « On va tout casser puisque il n'y a plus de justice. Nous ne sommes pas en Algérie apparemment », poursuit-il. « Le pire est que la télévision marocaine parle des événements de Tindouf en profitant de l'occasion pour tenter de nous diviser, alors que la télévision algérienne ne dit rien. Qu'est-ce cela veut dire ? », se demande un jeune élu de l'Assemblée communale. Tindouf, hier en début de soirée, semblait calme, mais tendue. Les rumeurs, les bribes de conversations s'articulent autour des mots « pneus », « hogra », « inacceptable », « casse », « police », etc. « Personne n'a intérêt à ce que la violence reprenne. Ce n'est pas la propriété de la wilaya ou de la police. Tindouf, l'Algérie, devrait appartenir à tout les Algériens. Je n'aime pas avoir le feu dans ma maison. Ni la hogra », atteste un vendeur de cigarettes de contrebande à quelques dizaines de mètres du siège du tribunal gardé nuit et jour par des policiers.