Dans une ville gazière, à 6 km du complexe GNL qui alimente tout le pays et même l'Italie, on continue à utiliser les bonnes vieilles bouteilles de butane. Oui, aujourd'hui, on regrette d'avoir déboursé les économies de toute une vie dans la construction d'une maison dans ce lotissement fantôme. On le regrette énormément, et si l'occasion se présente à nous pour quitter ces lieux maudits, on le fera sans réfléchir», affirme une mère de famille qui avait, en 1985, cédé un logement situé au centre-ville de Skikda pour se hasarder à bâtir une maison à Boulekroud, sur le versant Ouest de la ville. Le site qui domine la mer offre pourtant un panorama des plus exotiques. Rappelons que Boulekroud faisait la renommée des coteaux de Béni Malek avant de se voir convertir à partir des années 1980 en un véritable bidonville. Pour Mesaoud Tebbal, président de l'association du lot de jonction de Boulekroud, lequel s'incruste au milieu de deux autres lots, la situation des lieux ne fait que s'envenimer. «Ce lot abrite plus de 85 bénéficiaires, dont la plupart a commencé à construire en 1985, et laissez-moi vous dire, qu'à ce jour, nous ne disposons pas d'actes de propriété. On passe pour des indus occupants dans nos propres maisons. On a essayé de sensibiliser les différents P/APC qui se sont succédé à l'Hôtel de ville, mais aucun n'a réussi à nous délivrer ces documents» a précisé notre interlocuteur. Sur place, on ne peut que constater le désastre, et la route n'est qu'une piste boueuse. «Aucun transporteur public n'a accepté de desservir notre lotissement. De ce fait, les habitants ne disposant pas de véhicules se retrouvent quotidiennement obligés, soit de parcourir plus de 3 km à pied, soit de patienter durant plus d'une heure pour pouvoir disposer d'une place dans l'unique fourgonnette qui dessert le lotissement mitoyen»,ajoute le président de l'association. Pourtant, au courant des années 1990, le tracé d'une nouvelle route, devant relier le lotissement à la cité Loukil, avait été délimité, et des travaux de terrassement, estimés à des millions de dinars, avaient même été engagés, mais le chantier a vite été abandonné. Aujourd'hui les habitants craignent que le projet de construction d'une nouvelle école primaire de six classes ne connaisse le même sort. «Après avoir changé l'emplacement de l'assiette de l'école, pour des raisons que nous ignorons, l'entreprise qui devait réaliser le projet est venue pour entamer les travaux de terrassement, puis on ne l'a plus revue», raconte un habitant. A l'intérieur du lotissement la désolation reste généralisée. Sans trottoirs ni route, dépourvus de gaz et d'aménagement, les lieux ressemblent beaucoup plus à un bidonville en dur qu'à un lotissement promotionnel. Un far west des temps modernes. «Dans une ville gazière, on continue à utiliser les bonnes vieilles bouteilles de butane, et dire que le complexe GNL qui alimente tout le pays et l'Italie avec, est à moins de 6 km à vol d'oiseau de nous», ironise un autre habitant. Le cas de Boulekroud reste similaire à des dizaines d'autres lotissements érigés par populisme à Skikda. Ce ne sont en fait que des taches noires qu'on a ouvertes et qu'on n'a jamais osé fermer. Pendant ce temps, voilà que les responsables nous inventent le projet d'une nouvelle ville à Bouzaâroura avec le silence complice des élus, surtout celui des députés. Skikda, qui détient le record national de l'inertie, n'a distribué que 500 logements sociaux en 8 ans, pourra-t-elle construire toute une ville nouvelle? Soyons sérieux. Pensons plutôt à fermer les plaies hideuses des lotissements et de la nouvelle ville des Platanes, à moins que le projet de Bouzaâroura ne soit qu'un cheval de Troie pour s'accaparer du site féerique pour l'offrir à des promoteurs immobiliers. Mais, à Skikda, tout se sait…Vraiment tout !