Les Palestiniens renouvellent aujourd'hui leur parlement élu pour la première fois en juillet 1996 à la suite de la conclusion de l'accord de principe palestino-israélien le 13 septembre 1993 à Washington, et le retour une année plus tard de la Direction palestinienne dans les territoires occupés. C'était le temps de l'euphorie, malgré une certaine opposition. Celle-ci ne fera que s'accroître et laissera place au désespoir. Et c'est tout l'enjeu de cette élection, puisque le Fatah, ce fameux mouvement qui incarne des décennies de l'histoire du peuple palestinien, certainement la plus forte mais en tout cas la plus glorieuse pour avoir conduit sa résistance, et amené à la reconnaissance du peuple palestinien qu'un complot international avait confiné dans l'oubli. Il n'y a surtout pas lieu de parler d'ingratitude, mais les Palestiniens en sont aujourd'hui à s'interroger sur leur devenir avec la conduite du processus de paix, la gestion des territoires et enfin le combat de générations. Ou encore ceux qui avaient conduit la résistance de l'extérieur et ceux de l'intérieur, auteurs de deux soulèvements, le premier en décembre 1987 tandis que le second se poursuit toujours. Et ces derniers revendiquent leur place et poussent vers la sortie les anciens qui, en ce qui les concerne, refusent de céder leur place, malgré toutes les accusations dont ils font l'objet, la plus infamante, étant celle de corruption alors que le peuple palestinien croupit dans une effroyable misère. Mais à l'inverse, c'est le mouvement islamique Hamas, nouveau venu en tant que parti politique, qui entend rafler la mise en profitant des erreurs de son vieux rival. Mais entre les deux, il y a tous les mécontents, terriblement nombreux et tout aussi terriblement déterminés à faire capoter ces élections. Mais faut-il pour autant parler d'échec du Fatah ? Certainement pas, car il a cru jusqu'au bout aux promesses de paix, et c'est Israël qui a préparé les germes de cet échec, en privant l'Autorité palestinienne de tout moyen, détruisant systématiquement ses institutions comme ses forces de sécurité, jusqu'à favoriser un déséquilibre au profit des groupes armés et du Hamas qui a poursuivi ses opérations de résistance anti-israélienne. Cet échec ne s'explique pas autrement. Il est même voulu pour mettre en danger la future autorité palestinienne et bloquer pour très longtemps le processus de paix. A cet égard, la manœuvre israélienne a trouvé de sérieux relais à l'extérieur, des puissances comme les Etats-Unis et l'Union européenne, mettant en garde contre une participation du mouvement Hamas au prochain gouvernement palestinien. Ces législatives sont, par ailleurs, menacées par des groupes armés opposés à leur tenue. Elles sont placées sous haute sécurité avec la déclaration d'un état d'urgence et le déploiement de milliers de policiers. Des craintes ont vu le jour sur des tentatives par des groupes armés opposés aux élections, notamment ceux liés au Fatah de Mahmoud Abbas, de perturber violemment le processus électoral. « Tout est possible dans ce pays, surtout à Ghaza où la violence règne, où de nombreux groupes armés sont opposés aux élections », a affirmé le chef de la police palestinienne Alaa Hosni. Quelque 13 000 policiers seront déployés pour protéger les 1100 bureaux de vote, le tout piloté depuis un centre de contrôle. « Nous tenterons de faire triompher la démocratie le 25 janvier », a encore dit ce responsable, indiquant toutefois que les conditions de sécurité sont difficiles. « Il n'y a aucune garantie que cela réussisse ». Les groupes armés, principalement ceux liés au Fatah, incarnent cette nouvelle génération qui se considère plus proche des réalités sociales. Le leader palestinien Mahmoud Abbas a fait preuve de fermeté quant aux tentatives de faire dérailler le processus électoral. Mais, a-t-il reconnu, « certains ne veulent pas des élections, qui ne sont pas dans leur intérêt et veulent ruiner la sécurité (...) Je ne cache pas que certains sont dans nos rangs. Mais nous tentons par tous les moyens de contrôler la situation ». De nombreuses voix se sont également élevées ces derniers jours pour appeler au calme et assurer de la tenue d'un vote sans violence. Le Fatah et son rival direct, le mouvement Hamas qui se présente pour la première fois à un scrutin législatif, se sont engagés à soutenir « l'Autorité palestinienne et les services de sécurité » pour assurer le bon déroulement du vote. Retraite Quant à l'issue qui en est attendue, ces élections devraient consacrer la perte de pouvoir de la « vieille garde » du Fatah et en particulier du Premier ministre Ahmad Qoreï, architecte des accords d'Oslo de 1993. M. Qoreï, un compagnon de route de la première heure du défunt leader Yasser Arafat, fait partie des architectes de l'Autorité palestinienne, créée dans la foulée des accords de 1993, dont il a été l'un des artisans. Le Premier ministre, qui avait pris ses fonctions en septembre 2003 et avait vu son influence diminuer après la mort du chef historique des instances palestiniennes en novembre 2004, a connu un dernier mandat mouvementé. Il a dû revenir à deux reprises en 2005 devant le Parlement pour obtenir l'investiture des députés qui refusaient d'accorder leur confiance à une équipe accusée de corruption et jugée incapable d'appliquer des réformes. Par la suite, les parlementaires avaient à plusieurs reprises croisé le fer avec M. Qoreï, qu'ils considéraient comme incapable de maîtriser la situation sécuritaire chaotique dans les territoires palestiniens. Mais plus largement, la perte de pouvoir de M. Qoreï s'inscrit dans le phénomène plus général de l'affaiblissement des caciques du Fatah, compagnons de route de Yasser Arafat. Pour preuve, c'est Marwan Barghouthi, le leader emprisonné de la jeune garde qui s'est imposé comme tête de la liste nationale, après une lutte qui a révélé les fractures internes et profondes du parti au pouvoir. Un chercheur palestinien n'hésite pas à qualifier cette étape de « transformation historique » de la vie politique palestinienne. « Il n'y a plus de révolution pour donner de la légitimité, seul le travail du terrain est pris en compte », dit-il. Pour la député et candidate, Hanane Achraoui, les élections vont conduire à une « redéfinition du Fatah ». Le parti « fait face à de sérieux défis internes, dont celui de la démocratisation. Il ne pouvait pas entrer dans les élections avec une vieille plateforme électorale », estime-t-elle pour expliquer la montée en puissance de la jeune génération. « Sans aucun doute, c'est une transition. Mais c'est réellement au prochain congrès du Fatah que le grand show va avoir lieu », poursuit-elle. Justement, aucune date n'a été retenue pour ce congrès qui serait quant à lui une copie conforme de ce scrutin. C'est d'ailleurs ce qui fera sa force, et celle de la résistance palestinienne à l'occupation israélienne. Un nouveau départ en fait, malgré les chiffres que produira l'élection d'aujourd'hui.