Les institutions et organisations palestiniennes ont parfaitement assumé leur rôle. Malgré la douleur, tout a été fait pour éviter la vacance du pouvoir, ce qui ne veut pas dire que le vide laissé par Yasser Arafat sera comblé. Personne d'ailleurs parmi les personnalités palestiniennes n'affiche la moindre prétention. Pas même Farouk Kaddoumi dont c'est le grand retour sans que cela surprenne. L'essentiel a été donc assumé jusqu'au bout avec une répartition des tâches que le président disparu cumulait et assumait de son vivant. A commencer par celle de président de l'Autorité palestinienne mise en place dans le cadre des accords palestino-israéliens d'Oslo. Elle est élue au suffrage universel et la succession est envisagée dans les mêmes conditions sauf en cas de décès ou de démission par la Loi fondamentale, autrement dit la Constitution palestinienne. Le Conseil législatif palestinien, qui tient lieu de Parlement, a entériné son président Rawhi Fattouh comme président en exercice de l'Autorité palestinienne pour 60 jours, aux termes de la loi palestinienne. Cette loi prévoit une élection présidentielle dans ce laps de temps pour désigner un successeur à Yasser Arafat. Mais il n'est pas certain qu'un tel scru tin puisse avoir lieu. Mais il va falloir, selon les analystes, que « l'armée israélienne lève son blocus des villes palestiniennes, qu'elle permette aux candidats de circuler librement pour faire campagne et que les résidents d'El Qods soient autorisés à voter, comme cela avait été le cas au dernier scrutin de 1996 », lorsque Yasser Arafat avait été élu par une très large majorité. « Du vivant de Arafat, Israël n'avait manifesté aucune intention de lever ces obstacles à des élections qui auraient certainement entraîné la réélection de Yasser Arafat », admet le politologue israélien Danny Rubinstein. Plus d'un million de Palestiniens, soit 67% des votants potentiels, s'étaient inscrits en octobre dans le registre des électeurs en vue du scrutin général prévu au printemps. Rappelons que le Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (CEOLP) a, dès mercredi, désigné à sa tête tenue également par le défunt leader, celui qui fut son secrétaire général, Mahmoud Abbas, un homme de l'ombre avant qu'il ne revienne sur le devant de la scène à Washington le 13 septembre, date de la signature des accords d'Oslo. Il cosignera cet accord et deviendra quatre années plus tard le premier Palestinien à occuper le poste de Premier ministre. Connu pour être l'architecte de ces accords, il prendra de grands risques avec l'opinion palestinienne lorsqu'il dénoncera la militarisation de l'Intifadha, ce qui ne voulait pas dire qu'il était contre ce formidable mouvement, mais ni les Israéliens ni les Américains qui faisaient pression sur Arafat pour déléguer certaines de ses responsabilités ne l'avaient aidé en débloquant par exemple le processus de paix. Il démissionnera alors de son poste, et c'est l'un de ses plus proches collaborateurs, Ahmad Qoreï, élément important dans l'équipe des négociateurs d'Oslo, qui lui succédera. Membre important du Fatah, Ahmad Qoreï est maintenu à son poste dans l'équipe de transition. Par ailleurs, Farouk Kaddoumi a été désigné à la tête du Fatah, la principale composante de l'OLP, par le comité central de cette instance. Celui qu'on appelle aussi Abou Lotf était déjà le numéro deux de l'OLP dont il dirigeait le département politique qui n'a jamais cessé d'exister malgré la création de l'Autorité palestinienne et l'émergence de Nabil Chaâth au poste officieux, puisqu'il n'a jamais été créé, de ministre des Affaires étrangères. Kaddoumi était maintenu à ce poste et dirigeait les délégations palestiniennes aux plus grands forums internationaux. C'est la preuve qu'il n'a jamais boudé la direction palestinienne et que celle-ci ne l'a jamais mis à l'écart. En fait, constate-t-on, cela procédait d'un jeu politique qui exclut quant à lui une quelconque opposition de Farouk Kaddoumi au processus d'Oslo. Lors du vote du CEOLP de septembre 1993, Kaddoumi ne s'y était pas opposé et s'il était mécontent, c'est parce qu'il a été négocié par d'autres, disait-on alors de bonne source palestinienne. Ses premières déclarations à ce poste traduisent la position de l'homme à l'égard de la lutte de son peuple, rejoignant celle de ses compagnons comme Mahmoud Abbas et Ahmad Qoreï avec lesquels il partage désormais la responsabilité. Les Palestiniens, qui affrontent chaque jour l'occupant israélien, ont clairement situé le seuil en deçà duquel aucun accord n'était possible.