L'Algérie vient d'être reclassée à la 112e place mondiale sur 180 des pays les plus corrompus au monde, loin derrière ses deux voisins, le Maroc (80e) et la Tunisie (73e), selon l'indice de perception de la corruption 2011 de l'ONG Transparency International paru hier. Elle perd ainsi sept places par rapport au classement de l'an dernier. Pour l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), «ces très mauvais résultats de l'Algérie pour la 9e année consécutive ne sont pas une surprise, ces dernières années ayant été marquées non seulement par une explosion des affaires de grande corruption, mais aussi par une totale absence de volonté politique du pouvoir à lutter contre la corruption». Pourtant, l'année 2011 n'a pas connu de véritables scandales financiers, à l'image de l'affaire Sonatrach ou celui de l'autoroute Est-Ouest, toujours en cours d'instruction. Ce classement peu reluisant illustre l'institutionnalisation et la généralisation de la corruption comme modèle de gestion de la chose publique, en dépit du discours des pouvoirs publics concernant la lutte sans merci contre ce fléau. Selon les rédacteurs de ce document, la corruption continue d'affaiblir de trop nombreux pays à travers le monde : «Il montre que certains gouvernements échouent à protéger leurs citoyens contre la corruption, qu'il s'agisse de détournements de ressources publiques, de pots-de-vin ou de prises de décision tenues secrètes.» C'est justement ce dernier point qui attire l'attention, les accords et les décisions prises loin du débat public posent problème, ainsi que les caisses noires de l'Etat, la passation des marchés de gré à gré que certains hauts responsables justifient par des impératifs de sécurité nationale ou frappés par le sceau de confidentialité. Le projet de loi portant code de l'information, tel que présenté à l'APN, interdit dorénavant aux journalistes de traiter et de divulguer des secrets économiques, ce qui pourrait réconforter les hauts responsables impliqués dans des scandales financiers. Une sorte d'impunité les épargnant de toute poursuite judiciaire et de priver les citoyens de leur droit à l'information concernant la gestion des deniers de l'Etat. Dans ce registre, Transparency International observe que «les manifestations organisées à travers le monde, souvent alimentées par la corruption et l'instabilité économique, montraient clairement que les citoyens avaient le sentiment que leurs dirigeants et institutions publiques n'étaient ni assez transparents ni assez responsables». L'Algérie a connu, au courant de cette année, diverses manifestations qui ont tourné parfois à l'émeute pour réclamer «la transparence dans la distribution des logements sociaux» et pour dénoncer la pratique des pots-de-vin pour l'octroi d'un logement, que la rapporteuse de l'ONU sur le logement a relevée en la qualifiant «d'opacité et de clientélisme». Pour Transparency International, deux tiers des pays de la liste ont obtenu des notes inférieures à 5, ce qui suppose qu'il reste beaucoup à faire pour lutter contre la corruption. «Que ce soit en Europe, frappée par la crise de la dette, ou dans le monde arabe, à l'aube d'une nouvelle ère politique, les dirigeants doivent prendre en compte l'exigence d'une meilleure gouvernance», a mis en garde Huguette Labelle, responsable de l'ONG. Une mise en demeure que les dirigeants algériens doivent prendre en compte.