Transparency International (TI), la plus grande ONG luttant contre la corruption, a publié hier son rapport mondial 2005 d'où il ressort que le secteur de la construction constitue un autre foyer de corruption. Les rapporteurs tirent la sonnette d'alarme autour de la reconstruction d'après-guerre en Irak et ailleurs. Le président de TI, Peter Eigen, a déclaré, hier, que « la corruption qui affecte les grands projets publics est un obstacle rédhibitoire au développement durable » en relevant : « La corruption dans les marchés publics sévit à la fois dans les pays développés et en développement. » Ainsi, souligne Peter Eigen, « quand le montant d'un pot-de-vin prend le pas sur l'optimisation des ressources, il en résulte des constructions de mauvaise qualité et une piètre gestion des infrastructures ». Plus explicite, le président de TI dira : « Les sommes investies dans la reconstruction des pays, comme l'Irak, doivent être préservées de la corruption » en suggérant : « La transparence doit aussi être le maître mot à l'heure où les bailleurs de fonds promettent des sommes colossales pour la reconstruction des pays affectés par les tsunamis en Asie. » Revenant au sujet de l'Irak, Peter Eigen affirme que « les révélations successives sur le scandale qui entoure le programme "pétrole contre nourriture" financé par l'ONU en Irak montrent l'impérativité d'adopter des règles strictes sur les conflits d'intérêts et des procédures d'appels d'offres ouvertes et transparentes ». A ce propos, le président de TI prévient : « Si des mesures urgentes ne sont pas prises, l'Irak deviendra le plus grand scandale de corruption de l'histoire. » Selon Juanita Olaya, responsable du programme Marchés publics de TI, « des sanctions sévères sont nécessaires contre les entreprises qui versent des pots-de-vin, notamment en leur retirant le contrat et en les inscrivant sur la liste noire pour les exclure des futurs appels d'offres ». La leçon de Boumerdès La corruption est amplifiée par la taille et la diversité du secteur de la construction estimée à quelque 3200 milliards de dollars par an à l'échelle mondiale. Le rapport 2005 indique que la somme perdue à cause des pots-de-vin versés lors de la conclusion d'un contrat représente au moins 10% de la valeur du contrat qui porte le montant des fonds perdus à plus de 300 milliards de dollars par an. TI relève que le coût de la corruption se compte aussi en vies humaines puisque les dommages causés par les catastrophes naturelles sont amplifiés dans les régions où les inspecteurs des travaux ont été soudoyés pour passer outre aux règles de planification et de construction. L'Algérie, bien que ne figurant pas dans ce rapport, est loin d'être à l'abri de cette tare. Le président de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), m. Hadjadj, joint hier par téléphone, tient à rappeler le tremblement de terre qui a affecté Boumerdès et Alger. D'après notre interlocuteur, les immeubles construits selon des normes classiques ont été épargnés alors que les bâtiments réalisés à la hâte se sont totalement effondrés. M.Hadjadj conteste le contenu du décret présidentiel de juillet 2002 régissant les marchés publics qui « favorise la procédure de gré à gré ». L'amendement de septembre 2003 a encore accentué cette procédure qui « reste en décalage avec les normes universelles d'attribution des marchés », regrette le président de l'AACC. M. Hadjadj révèle que le rapport 2006 portera sur la corruption dans le secteur de la santé, notamment l'importation des équipements médicaux et des scanners. Notons que plusieurs pays ont été stigmatisés dans ce rapport, dont l'Allemagne, le Lesotho, l'Argentine, le Paraguay, la Malaisie, les Philippines et l'Ouganda.