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A quoi sert le secteur public en Algérie ?
Entreprises
Publié dans El Watan le 05 - 12 - 2011

Le secrétaire général du l'UGTA vient d'annoncer que pas moins de 460 entreprises publiques, sur presque un millier de concernées, ont dû être «sauvées» de la faillite par l'Etat. Cette mesure, qui en annonce d'autres, coûtera à la collectivité la modique somme de 1232 milliards de dinars !
Par-delà leur caractère ahurissant, ces chiffres montrent combien, en matière de politique de développement, la rationalité économique peine à s'imposer face à la logique clientéliste qui, manifestement, continue de guider les actions économiques de l'Etat. Signe pourtant d'un échec qui perdure, ces mesures d'assainissement sont présentées, non sans une certaine audace, comme annonciatrices d'une prochaine émergence de «champions industriels».
Usant de formules en complet décalage avec les réalités économiques d'aujourd'hui, beaucoup de nos officiels continuent encore de croire (ou feignent-ils de croire) en la possibilité de redresser durablement la situation des entreprises publiques, pour peu, que l'Etat consente à mettre à leur disposition les ressources à même de combler leurs déficits. «Nous avons les ressources financières, les compétences et toutes les capacités pour nous situer dans une phase de vainqueurs», proclame ainsi le secrétaire général de l'UGTA.
La déclaration du SG de l'UGTA nous fournit l'occasion de revenir, sommairement, sur le statut véritable du secteur public en Algérie.
L'entreprise publique, lieu de partage de la rente
Vieux et récurrent, le débat économique sur l'opportunité de recourir à l'assainissement financier des entreprises publiques est aujourd'hui vain et inutile. Revenir à ce débat, c'est verser dans l'économisme. Mais c'est aussi refuser de voir que, particulièrement dans notre pays, l'entreprise publique n'est pas un sujet économique.
En effet, cette dernière s'apparente plus que jamais à un marché politique, non seulement parce que ses gestionnaires sont souvent nommés sur des bases clientélistes, mais aussi parce que ses recrutements, son fonctionnement et ses activités obéissent moins aux impératifs de rentabilité qu'aux interférences et interventions directes d'une multitude de centres de pouvoir.
Il est aujourd'hui unanimement admis que l'entreprise publique n'est pas ce lieu où la rationalité économique fait loi. Le secteur public est resté ce lieu où la gestion du capital peine à s'émanciper de la logique clientéliste qui traverse l'ensemble des rouages de l'économie. Ainsi, dans ce secteur, la situation n'a fondamentalement pas changé, comparée à ce qui prévalait dans les années 1970 et 1980.
Les entreprises publiques sont restées majoritairement déstructurées et un grand nombre d'entre elles est structurellement déficitaire. Si elles arrivent à se maintenir en activité et à financer leur cycle d'exploitation, c'est, comme par le passé, grâce au recours systématique au découvert bancaire. Le mode de gestion des entreprises publiques n'a pas évolué ; ces dernières continuent toujours de subir les injonctions politico-administratives. Les entreprises publiques sont des entités davantage politiques qu'économiques.
Les mesures à caractère juridique prises à partir de 1988 en vue de leur procurer davantage d'autonomie en matière de gestion se sont avérées vaines et purement formelles puisque les fonds de participation, transformés ultérieurement en holdings publics, puis en sociétés de gestion des participations (SGP) de l'Etat, ne sont en réalité que des courroies de transmission des décisions de l'administration en charge des secteurs d'activité concernés. Pour ne prendre que cet aspect, le mode de désignation des responsables de l'ensemble des structures intervenant dans la gestion des portefeuilles publics (c'est-à- dire la cooptation, pour l'essentiel), et le caractère limité des prérogatives qui sont conférées à ces structures font que le secteur public est resté ce lieu où la gestion du capital s'apparente à une gestion des carrières et de la distribution de prébendes au profit de la clientèle politique du régime. La gestion des entreprises publiques n'a donc pas connu de changements notables par rapport à la situation qui prévalait dans le passé. Le statu quo et l'immobilisme qui y règnent font que la description qu'en fait L. Addi dans L'impasse du populisme, bien qu'antérieure à la période dite des «réformes», demeure encore étonnamment valable de nos jours. Il va sans dire qu'une telle situation ne tient que parce qu'existent des revenus pétroliers qui permettent de combler les déficits chroniques d'exploitation, expression de l'inefficacité économique de ces entreprises.
L'immobilisme en guise de réforme
En matière de réforme, le statu quo est tel que d'aucuns s'interrogent encore sur la nature et le contenu de l'orientation économique actuelle du pays. S'agit-il d'un patriotisme économique légitime comme certains ont tendance à le croire ou plutôt d'un retour aux pratiques éculées de l'étatisme ravageur ? Il n'est pas besoin de relever beaucoup d'éléments pour se prononcer sur l'ampleur de l'immobilisme annoncé : le statut du secteur public en est le plus emblématique. C'est sur ce terrain particulièrement que le populisme semble en effet faire le plus de résistance et que le curseur de la réforme tarde encore à se poser. Ainsi, après avoir longuement, pendant toute une décennie, discouru sur la nécessité de privatiser le secteur public, l'Etat semble avoir changé de feuille de route économique puisque, depuis quelque temps, l'heure est à la réhabilitation du secteur public industriel comme principal outil de développement économique. Outre son caractère anachronique, une telle option est l'illustration parfaite du retour en force de l'étatisme-populisme dans la conduite des affaires économiques du pays. Lieu où pullulent les comportements de gaspillage, de gabegie et de corruption ; traversé, comme aucun autre espace public, par la logique clientéliste ; faisant supporter à la collectivité le coût de ses déficits, dont personne n'ose imaginer ou dire le montant - qui connaît d'ailleurs le montant du découvert bancaire du secteur ? - le secteur public est le lieu où l'immobilisme est érigé en règle de gestion. De tous les secteurs d'activité économique, le secteur public est en effet le seul, depuis le début des années 90, à avoir gardé pratiquement la même configuration de fonctionnement et les mêmes « travers » de non-gestion.
Dans ces conditions, sa réhabilitation n'aurait de signification que si on l'inscrit en droite ligne de la logique populiste-clientéliste qui anime l'action de l'Etat, logique selon laquelle l'existence d'un secteur public n'a d'intérêt que si l'on en fait un instrument de distribution de prébendes à la clientèle politique, un lieu de négation du conflit capital-travail - d'où le refus obstiné d'admettre l'autonomie des organisations syndicales - et un guichet qui sert de lieu de distribution indirecte de la rente, sous forme de «salaires » et autres avantages. Par ailleurs, la réhabilitation annoncée du secteur public, outre qu'elle indique l'incapacité du décideur à se départir de la conception populiste de l'économie, signifie le report sine die de la réhabilitation du travail comme institution centrale de toute dynamique projetée de croissance économique. Dans le contexte mondial actuel caractérisé par l'exacerbation de la concurrence, à travers notamment l'adaptation des configurations institutionnelles du rapport salarial prévalant dans chaque pays, il est illusoire d'espérer un décollage économique fiable et durable en misant sur un secteur public dont on sait que le fonctionnement repose fondamentalement sur une configuration clientéliste du rapport salarial.
En d'autres termes, il est à craindre que, les disponibilités financières aidant, le nationalisme économique dont on ne cesse depuis quelque temps de louer les vertus ne se révèle dans les faits comme synonymes de la consécration des pratiques qui font l'essence même du populisme et du clientélisme. La réhabilitation de l'activité industrielle, pour ne prendre que cet impératif, ne paraît pas être aujourd'hui un objectif réalisable si l'on continue à en envisager la concrétisation par le biais du secteur public.
Traversé continuellement par la logique clientéliste, ce dernier est foncièrement inapte à abriter des arrangements organisationnels internes à même de lui permettre de survivre dans un environnement institutionnel externe des plus hostiles. Faute de subventions budgétaires, le secteur public n'est point viable, à fortiori dans un environnement où, du fait de l'exacerbation de la concurrence (relativement à la situation qui a prévalu jusque-là), toutes les organisations économiques sont amenées à fonctionner à la marge. Certaines des mesures préconisées ces derniers mois en matière de politique industrielle nous incitent à penser que c'est bel et bien d'un retour en arrière qu'il s'agit.
Effacer les dettes des entreprises dont les déficits sont structurels, les maintenir artificiellement en vie, laisser filer leur découvert sans réagir, en sont quelques-unes des meilleures illustrations. L'expérience de certains pays rentiers montre pourtant que si l'Etat doit peser sur l'orientation du système productif, il n'est pas forcément nécessaire que cela passe par l'exercice d'un contrôle direct sur la production, comme cela a souvent été tenté grâce à la mise en place et l'entretien, grâce à la rente, d'un secteur public étendu. L'industrialisation est un objectif que beaucoup de pays anciennement attardés ont réussi à atteindre (Corée du Sud, Inde, Chine, Brésil…). Leur expérience montre cependant qu'une politique industrielle volontariste est tout à fait compatible avec la mobilisation du secteur privé. Dans certains cas, c'est même l'alliance capital privé - Etat qui a constitué l'élément moteur du décollage économique. Cependant, préconiser une telle alliance dans le contexte présent de l'Algérie, c'est manifestement sous-estimer le poids du conformisme idéologique dans le processus de prise de décision. Source de blocage du changement économique et social, le conformisme idéologique trouve son expression économique la plus éclatante dans l'entretien, à coup de milliards de dinars de subventions, d'un secteur public structurellement déficitaire.
Quid de l'avenir ?
Dans son discours du mois d'avril dernier, le président de la République avait évoqué, dans un court passage, les actions que l'Etat envisage de mettre en œuvre dans le domaine économique. Ainsi, annonce-t-il : «Le gouvernement doit élaborer un programme national d'investissement destiné aux entreprises économiques, tous secteurs d'activité confondus, en concertation avec tous les opérateurs économiques et sociaux.» En d'autres termes, l'Etat est appelé à mettre, encore une fois, à la disposition des entreprises publiques des moyens financiers conséquents, afin de financer leurs programmes d'investissements. Tel est, dans son expression la « plus élaborée », le projet économique que le pays se donne pour relever les défis de l'emploi et de la croissance.
Pour faire face au problème du chômage et relever le défi de la croissance économique, l'Etat semble donc avoir choisi de recourir dans les mois à venir aux méthodes qu'il a toujours affectionnées, c'est-à-dire les méthodes les plus simplistes, les plus archaïques, les plus coûteuses et, économiquement, les moins efficaces.
Espérer réduire le chômage en injectant de l'argent public dans des projets d'investissements « productifs », dont l'opportunité est décidée administrativement et dont la concrétisation est confiée à des entités publiques boiteuses, est une démarche qui trahit une conception « primitive » de l'économie, conception qui se résume à l'idée selon laquelle il suffit de vouloir réunir les éléments constitutifs de la combinaison productive pour que cette dernière se mette à agir dans le sens souhaité par le décideur et produire, ainsi, les effets escomptés. Bien que l'expérience ait montré le caractère puéril d'une telle conception, nos décideurs politiques s'obstinent à reconduire les pratiques qui en découlent. Reproduire en 2011 des pratiques qui avaient cours dans les années 1970 témoigne d'une incapacité à concevoir des solutions en rupture avec les méthodes archaïques du passé. L'archaïsme réside, en l'occurrence, dans la croyance que l'entreprise publique peut encore constituer un outil de croissance, alors même que les promoteurs de l'étatisme admettent volontiers, aujourd'hui, que l'entreprise publique n'est utile que si elle sert à autre chose qu'à produire du profit.
Samir Bellal. Maître de conférences. Université de Guelma


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