Consternation et colère chez les agences de voyages des wilayas de Tamanrasset et Illizi. Depuis jeudi dernier, de nombreux groupes de touristes en provenance de France, d'Espagne, d'Allemagne et d'Italie, dont l'arrivée était programmée pour le week-end, ont annulé leur voyage à la dernière minute. Leur tour-opérateur s'est vu refuser la délivrance de visas sans «aucune explication», au moment où d'autres touristes étaient convoqués par les autorités consulaires pour leur annoncer, «verbalement» l'annulation des visas qu'ils avaient obtenus auparavant. Aucune information n'a été donnée aux concernés sur les raisons d'une telle décision, tombée jeudi dernier et qui a «offusqué» Boughrari Abdelkader, président de l'Association des agences de voyages de la wilaya d'Illizi. Joint par téléphone, ce dernier s'interroge sur les raisons d'une telle mesure qui, selon lui, aura de «graves incidences économiques» sur toutes les régions du sud du pays. «Nous nous attendions à une reprise du tourisme après la saison catastrophique de l'année passée. Nous avons même été rassurés, il y a une semaine seulement, par les propos du ministre du Tourisme relatifs à la relance du tourisme saharien. Il y avait un engouement des tour-opérateurs étrangers et une demande assez importante pour l'ouverture de la saison touristique, à laquelle nous nous sommes bien préparés. Nous devions recevoir de nombreux groupes à l'occasion de la fête de l'Achoura, qui coïncide avec la Sbiba. Mais grande fut notre surprise lorsque nos partenaires en Italie, en France, en Espagne et en Allemagne nous ont annoncé l'annulation de l'arrivée de leurs groupes faute de visas, alors que tout avait été payé à l'avance. De nombreux touristes ont même été convoqués par nos représentations consulaires durant le week-end (vendredi et samedi, ndlr) pour leur annoncer l'annulation du visa qu'ils avaient pourtant obtenu», explique M. Boughrari. Une dizaine d'agences de voyages dans l'embarras Pour ce dernier, une dizaine d'agences sont concernées par ces annulations «inattendues». «Celles-ci auront de graves incidences financières sur leur activité. Toute la région va en pâtir. Il est important de préciser que les familles de toute la wilaya d'Illizi vivent, d'une manière ou d'une autre, du tourisme. Ce sont donc des milliers de familles qui vont être touchées. C'est le coup de grâce qu'on vient d'asséner au tourisme saharien. Nous ne savons même pas à qui nous adresser pour avoir des explications. Il y a une semaine seulement, le ministre du Tourisme s'était engagé publiquement à donner un nouveau souffle au tourisme saharien.» Evoquant la situation sécuritaire, le président de l'association des agences de voyages se déclare «très fier» du dispositif de sécurité «mis en place par l'Etat pour protéger» les touristes. «Ce qui se passe au Mali n'a rien à voir avec la situation au sud de l'Algérie. Des efforts énormes sont fournis par les forces de sécurité pour assurer la protection des étrangers au Sahara», dit-il, en précisant que depuis l'enlèvement de la touriste italienne à Djanet, «beaucoup de choses ont changé. Nous ne pouvons nier que dans cet acte, il y a eu une faute qui incombe à tous et qui a été mise à profit par les ravisseurs. Néanmoins, les leçons ont été tirées. Si le dispositif est insuffisant ou défaillant, il ne peut l'être uniquement pour les touristes, mais également pour les biens et la population locale». Notre interlocuteur exhorte les pouvoirs à argumenter leur décision : «S'il y a un danger quelconque qui plane sur notre région, qu'ils nous informent. Nous sommes tous concernés par la sécurité. Comment expliquer que durant les années noires du terrorisme, jamais l'Etat n'a interdit l'accès du Sud aux touristes ? Pourquoi maintenant et au moment où nous pensions reprendre en main l'activité et faire travailler les jeunes de la région ?» Abondant dans le même sens, des responsables des agences de voyages de Tamanrasset expriment la même «inquiétude» et interpellent les autorités sur les conséquences «désastreuses» de la mesure sur l'économie du Sud. «Au moins une dizaine d'agences de voyages ont été touchées par cette mesure. Plusieurs d'entre elles ont subi un lourd préjudice financier et moral. Elles ont tout préparé pour entamer la saison en grande pompe. Malheureusement, l'annulation de la venue des premiers groupes de touristes a tué dans l'œuf le démarrage de la saison, qui s'annonce pour la deuxième année consécutive catastrophique», note le responsable d'une agence, membre du bureau de l'Association des agences de tourisme de la wilaya de Tamanrasset. En l'absence de son président, notre interlocuteur préfère s'exprimer sous le sceau de l'anonymat. Il met en garde contre le maintien d'une telle interdiction car, dit-il, «elle touche directement au gagne-pain de milliers de familles». Hier, durant toute la journée, il nous a été impossible d'obtenir des explications auprès du ministère des Affaires étrangères et encore moins du ministère du Tourisme.