Des sinistrés du séisme de mai 2003 végètent depuis 8ans dans des entrepôts désaffectés. Les promesses des autorités se sont avérées sans lendemain. En cette journée ensoleillée de l'hiver, il fait un froid glacial à l'intérieur des anciens entrepôts de l'Eniem, sis au carrefour dit les Chabane, à la sortie est de Tizi Ouzou. 28 familles, des sinistrés du séisme du 21 mai 2003, survivent dans ces hangars depuis huit ans. Les hommes sont tous partis au travail, dit l'une des femmes qui lavaient leur linge à l'entrée de l'entrepôt. Une odeur de moisis fusait du fond de ce qui a été un dépôt. Des tentes, des baraquements de fortune faits de tôles de zinc, de morceaux de bois et autres tissus en toile servant d'isolation y sont installés. La cour de l'entrepôt est jonchée d'ordures et de déchets durs que «les services de la voirie de Tizi Ouzou ne ramassent pas», affirme Djamal. Avant de s'en aller, ce père de famille dra: «Nous sommes fatigués de frapper aux portes des responsables. Ce que je veux vous montrer est sous vous yeux ; racontez notre misère». D'épreuve en épreuve, ces familles tanguent du froid de l'hiver et de l'humidité à la chaleur suffocante de l'été, du reste, avec des moyens dérisoires. Ces conditions de vie ne sont pas sans conséquence sur les enfants et les personnes âgées. Meriem, jeune mère de famille raconte ce qu'a enduré son bébé, qui est né, forcement, dans un lieu qu'il n'a pas choisi. «À sa naissance, ma petite fille était déjà très faible, mais les conditions dont nous vivions ne nous permettent pas de la prendre en charge convenablement ; elle a une pneumonie. Nos gamins attrapent toutes sorte d'infections dues essentiellement au manque d'hygiène. Parfois, des boutons font leur apparition sur leurs mains et leurs visages». Vivre 8 ans dans un entrepôt désaffecté a eu des incidences psychologiques et d'autres sociales sur les adolescents. Imad, le vit comme un affront. Sa mère dit qu' «il ment toujours à ses camarades sur le lieu de sa résidence. Depuis qu'il a perdu son Bac, l'année dernière, il part à la mosquée avec un copain à lui où ils retrouvent chaleur, calme et sérénité». Les jeunes filles, à l'âge de se marier ainsi que les hommes perdent tous espoir en l'absence d'une maison décente. «Qui viendra demander la main de votre fille dans ce taudis ? Les hommes sont également pénalisés ; ils ne pensent même pas au mariage». Vêtu d'une petite veste à capuche, Walid, 8 ans, se presse de montrer ce qui le dégoute dans son environnement, attirant notre attention sur les eaux usées qui traversent la cour et les ordures qui s'entassent à l'entrée de l'entrepôt. Comme tout enfant de son âge, ses souvenirs évoquent ce «don de jouets et de vélos pour enfants dont ils ont été privés un jour de l'Aïd». Malika se souvient de notre dernier passage, en été 2009. «Nous avons vécu depuis avec des promesses qui se sont avérées creuses. Ils nous ont abandonnés; qu'ils nous le disent franchement», dit-elle, dépitée. «Nous avons appris récemment que nous allons être relogés à la cité des 300 logements locatifs LPL (inscrits en 2008, ndlr), qui sont en voie d'achèvement à la zone des dépôts, au sud de la ville. Nous avons lu dans la presse qu'ils sont destinés au relogement des 28 familles qui vivent ici, ceux de la Carrière et du quartier Mokadem, prés du siège de la wilaya. Mais nous n'avons reçu aucune décision ou un quelconque document qui prouve que nous allons les occuper dans le futur».