Cinq familles de citoyens, soit une quarantaine d'âmes, s'apprêtent à passer leur septième été en claustration dans un hangar désaffecté ! Cela se passe en Algérie, un certain mois de mai 2007, à une trentaine de kilomètres à vol d'oiseau du chef-lieu de la wilaya de Mostaganem. Au cœur du chef-lieu de la commune de Safsaf, ces familles s'usent à tenir leur mal en patience dans cet ancien dépôt de semoule de l'ancienne Sempac, qu'elles partagent avec les pigeons et les rats. Il y a quelques mois, Mme le wali y est passée à deux pas, lors de la visite d'une délégation officielle des autorités locales ; mais à leur grand dam, personne n'a osé lui rappeler que des “sous-hommes” subsistent encore dans sa wilaya. On y a marqué une halte pour s'enquérir de l'état d'avancement des travaux de réalisation de locaux commerciaux. Mais, personne ne fit la remarque que de l'autre côté de la route, des citoyens vivaient dans des conditions d'insalubrité d'une aussi piètre décence. Victimes d'un triste sinistre remontant à l'été 2000, ces familles d'enfants et collatéraux du douar des Mouaydia, relevant de la même commune, furent provisoirement “casées” dans l'ancien entrepôt, devenu centre culturel avant d'être définitivement abandonné. Depuis, le provisoire s'est inscrit dans la durée. Ayant mobilisé toutes ses économies, une seule famille s'arrache du calvaire. Contrairement aux hommes qui ont droit à la sortie diurne, les femmes sont condamnées à la claustration et à la pénombre nuit et jour ! “En sortant à la lumière du jour, il nous faut plusieurs minutes avant que l'on puisse clairement discerner ce qu'on regarde !” nous assure une mère de famille à propos des difficultés d'accommodation de sa vision. Pour circuler à l'intérieur de l'abri de fortune, il faut se faufiler entre les rangées de linge mouillé qui suinte. Avec un circuit bricolé et des fils à la portée des enfants, l'électricité est “volée” du parc communal mitoyen. Derrière quelques cloisons d'à peine deux mètres de hauteur, érigées quand le hangar faisait office de centre culturel, chaque membre ou couple des familles s'est approprié un recoin intime. Le haut de la “maison commune” est un pigeonnier dont les occupants ne se gênent guère de balancer leurs fientes dans la casserole qui bout, le linge qui sèche ou l'enfant qui dort ! L'été, la toiture en métal et en zinc exacerbe la chaleur de la véritable fournaise. L'hiver, l'entrepôt frigorifique expose ses hôtes aux pathologies respiratoires. Dans ces conditions guère enviables, six enfants, dont l'aînée sera scolarisée lors de la prochaine rentrée scolaire, y sont nés. S'en remettant à la volonté divine, les parents se soulagent, de temps à autre, par une requête à laquelle aucun décideur en la matière n'a daigné accorder, à ce jour, le moindre intérêt. M. O. T.