Depuis quelques mois, la côte est devenue le réceptacle de déchets pétroliers déversés en mer par la raffinerie de Skikda. Les prélèvements effectués en novembre dernier mettent en évidence des taux extrêmement élevés d'hydrocarbures. Le Comité national des marins-pêcheurs parle de catastrophe écologique et appelle à de sévères sanctions. Ce sont quelques ingénieurs de la raffinerie de Skikda qui mettent en garde, sous le sceau de l'anonymat, contre «une catastrophe écologique marine». Selon eux, le système de traitement biologique et chimique par lequel les rejets pétroliers doivent impérativement passer connaît «de lourds dysfonctionnements». Et d'ajouter que «l'absence de traitement dans les bassins B2 et B6, les pannes répétées des turbines d'aération, l'arrêt des pompes à sable et à charbon ont fait que seul le traitement physique continue à être assuré. Ce qui constitue une grave menace sur le littoral». Des analyses alarmantes Pour étayer leurs révélations, ils exhibent les résultats de quelques analyses effectuées en novembre dernier sur des échantillons d'eau de mer. «Les chiffres sont alarmants. Les normes maximales tolérées en matière de présence d'hydrocarbures dans l'eau de mer ne doivent pas dépasser les 15 ppm. Or, les analyses que nous avons effectuées les 13, 14, 21, 22, 23, 25 novembre dernier ont fait état de 200 ppm. Ce qui est extrêmement dangereux pour la faune et la flore marines», expliquent-ils, en interpellant les pouvoirs publics sur ce qu'ils présentent comme «un grave danger qui pèse sur toute la côte». Les craintes de ces jeunes ingénieurs rejoignent celles du Comité national des marins-pêcheurs. Contacté, le président de cette organisation, Hocine Bellout, exprime ses plus «vives inquiétudes» en précisant que les hydrocarbures sont des substances organiques non biodégradables, qui provoquent une rupture de l'équilibre de l'écosystème marin. Il souligne : «Les effluents rejetés sont extrêmement dangereux. Ils doivent faire l'objet d'une série de traitements biologique, chimique et physique avant d'être rejetés dans l'oued Sefsaf, puis à la mer. Or, la station de traitement ne fonctionne pas convenablement, ce qui met en danger tout l'écosystème marin.» De ce fait, il condamne ces «déversements sauvages» et exige du premier responsable du secteur «de prendre des mesures exemplaires à l'encontre des dirigeants de la raffinerie afin que cesse le massacre».
Dysfonctionnement du système de traitement M. Bellout, après avoir rendu publique une déclaration dans laquelle il «met en garde» contre les conséquences de tels déversements, interpelle les plus hautes autorités sur «les dysfonctionnements qui paralysent le système de traitement des effluents dégagés par la raffinerie causant d'incommensurables dégâts sur l'environnement marin». M. Bellout se déclare «très inquiet» pour l'équilibre écologique de la côte Est : «Des rapports sur cette situation dangereuse ont été élaborés et remis à qui de droit, mais les mesures tardent à venir. En attendant, le désastre devient de plus en plus important et risque d'être même irréversible. Nous exigeons des sanctions contre ceux qui exposent l'écosystème marin au danger.» Il insiste beaucoup sur les «nombreuses défaillances qui accentuent la pollution». «Il faut que les autorités réagissent le plus rapidement possible et mettent la station de traitement sous contrôle. Actuellement, celle-ci est devenue un danger mortel pour toute la vie aquatique de la côte est. C'est criminel ce qui se passe à Skikda», conclut le président du Comité national des marins-pêcheurs. Du côté de la direction générale de la raffinerie, c'est le black-out. Toutes nos tentatives d'avoir l'avis de son premier responsable se sont avérées vaines. A en croire sa secrétaire, il était pendant toute la journée d'hier.