Dans sa dernière sortie médiatique, notre ministre de l'Education nationale a vanté les mérites du contrôle continu. Depuis des décennies que cette forme d'évaluation du travail des élèves peine à investir le paysage scolaire algérien, c'est chose faite maintenant. Cependant, l'observateur relèvera une contradiction : ce contrôle continu « à l'algérienne » est perverti par l'ajout d'examens de fin de cycle (la 6e, le brevet et le bac). En réalité, c'est à une transposition de l'évaluation universitaire vers le système scolaire que nous assistons. Et cette manière d'agir ne va pas sans risques de dérives qui pénaliseront les enfants et les adolescents. L'exigence dans l'évaluation, la sélection tatillonne et la compétition sont le passage obligé vers la production d'une élite universitaire de qualité. Il ne viendra à l'esprit de personne pour contredire cette approche. Dans cette conception de l'évaluation à base de contrôle continu (notes comptabilisées) et d'examens de toutes sortes - synthèses, thèses etc.-, l'étudiant est soumis à une pression permanente ainsi qu'à une grosse charge de travail. Ce sont là « les risques du métier » quand on se destine à ce genre d'études exigentes et pleines de contraintes. L'étudiant est, en principe, psychologiquement préparé à cette longue et dure épreuve. Le développement de son cerveau et de sa maturité mentale a atteint sa plénitude. A son âge, l'étudiant est habilité à subir la pression et le stress du contrôle continu et des examens. Il n'est plus à l'âge de l'enfance fragile et sensible. D'ailleurs, il n'y a pas d'apprentissage - au sens scolaire du terme - dans la pédagogie des amphithéâtres et on ne qualifie pas l'étudiant d'apprenant ou d'élève. A l'opposé, l'écolier et le lycéen sont dans une position délicate face à ce même mode d'évaluation, à savoir le contrôle continu (avec notes comptabilisées) et examens. Leur nature psychologique est en pleine croissance. Ils ont besoin d'un climat de sérénité et de confiance pour apprendre et progresser. La pression exercée sur leurs frêles constitutions les pousse à des attitudes parfois contraires aux objectifs souhaités. Ils vont tricher pour avoir la bonne note ; d'autres voient leur motivation décroître devant l'exorbitante charge de travail qui leur est imposée, sans parler d'autres dégâts. La sélection précoce - dès la première année du primaire - génère une compétition féroce entre les élèves, voire entre les parents, les enseignants. Un climat d'insécurité s'installe dans la classe : le maître est pressé de boucler le programme (souvent surchargé) et les élèves ont du mal à régler leurs efforts sur cette machine qui s'emballe. L'absence d'un dispositif de pédagogie différenciée - groupes de niveaux par matière pour assurer l'homogénéité dans la progression de la classe - aggrave la situation. Nous voilà non pas avec des écoliers, mais des étudiants en culottes courtes. Depuis la mise à mort du contrôle scolaire à des fins de sélection (fin des années 1960), l'évaluation bien comprise recommande de revoir de fond en comble l'utilité de la note. Elle ne doit en aucun cas servir à instaurer une menace sur les enfants, mais à les encourager, les orienter dans leurs efforts. L'erreur n'est plus un tabou qu'il faut taire ou punir. C'est un élément de progrès qui entre dans tout apprentissage et que maîtres et élèves doivent cerner pour mieux la combattre. Si les écoliers du monde entier savourent les bienfaits du contrôle continu - à base d'évaluation formative et non sommative -, leurs camarades algériens ahanent de nos jours encore sur le chemin des écoliers du Moyen-Age. Le nombre incroyable d'épreuves de contrôle imposé par le nouveau système mis en place depuis septembre en témoigne largement. Ne dit-on pas que l'excès tue ? Trop de contrôle tue l'évaluation : vérité élémentaire à méditer.