Une année, presque jour pour jour, après le déclenchement de la Révolution du Jasmin, les Tunisiens respirent à pleins poumons le parfum de la stabilité. Ceux qui ont tablé sur l'échec de la transition démocratique chez nos voisins de l'Est ont été bien servis… Ils étaient nombreux, hier, à partager l'émotion du vieux briscard Moncef Marzouki qui, drapé de son burnous, prononçait son discours d'investiture devant l'Assemblée constituante. Qui l'eût cru ? L'image était aussi saisissante que le discours déclamé sur un ton que les Tunisiens, écrasés par des années de dictature, n'oublieront pas de sitôt. Moncef Marzouki, qui est déjà la révolution personnifiée, a dicté hier les nouveaux codes de la pratique politique dans son pays. Il a envoyé à la poubelle de l'histoire les tares et les avatars du règne de Ben Ali. Que les membres de l'auguste Assemblée politiquement bigarrée applaudirent à tout rompre est signe que tous les Tunisiens partagent l'idéal de cet homme, symbole de l'ostracisme, de la persécution, mais aussi de la conviction que la dictature n'est pas, n'est plus une fatalité. C'est incontestablement le premier grand succès de la révolution tunisienne et le premier bourgeon du Printemps arabe encore orageux par endroits. Voir Moncef Marzouki prendre possession du palais de Carthage, qui a abrité 23 années durant son ancien oppresseur Ben Ali, est une belle revanche sur le sort. Et sur l'histoire. Pour la symbolique, la jeune démocratie tunisienne a réussi la totale. Une leçon que les révolutions en cours ou à venir doivent intérioriser. Laissant alors ceux qui pratiquent leur sport favori, tirer des plans sur la comète à propos d'une prétendue «menace islamiste» sur la Tunisie. Tous les peuples arabes qui ont suivi la prestation du désormais président de la République de Tunisie ont dû apprécier ce moment historique, fondateur d'un pacte républicain entre courants politiques qui n'ont pas que des atomes crochus. C'était beau et poignant de voir un chef d'Etat écraser une larme devant ses compatriotes en évoquant les victimes de la révolution… Cela rassure. Habitués à des «raïs», rois et roitelets arrogants et méprisants vis-à-vis de leurs peuples qui les ont pas ou mal élus, nous sommes naturellement tombés sous le charme d'un Président à visage humain… Hier, Moncef Marzouki a remis la fonction présidentielle à son niveau populaire pour décliner un rapport fusionnel qu'il souhaite impulser entre son gouvernement et les gouvernés. Une manière de signifier que «sans vous, nous, nous ne sommes rien !» Alors, gageons que les voiles et les niqabs d'Ennahda ne cachent rien de bien méchant mis à part une société tunisienne certes attachée à son identité, mais qui est aussi éprise des valeurs universelles. Le discours du président Marzouki est, en l'occurrence, un savant dosage entre le musc et le jasmin. Le reste n'est qu'extrapolations pas toujours fondées.