Les élections palestiniennes du 25 janvier devant désigner les 132 membres du Conseil législatif palestinien (CLP) viennent de mettre un terme à l'hégémonie du Fatah, pilier de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui a duré plus de 40 ans sur la vie politique palestinienne. Dans des élections libres et démocratiques qui ont fait envier beaucoup de pays dans la région et ailleurs, le peuple palestinien, qui croupit encore sous une occupation israélienne féroce, a donné, contre toute attente, sa confiance au parti islamiste Hamas, dont le programme politique annoncé durant la campagne électorale se base essentiellement sur la poursuite de la lutte armée et la non-reconnaissance de l'Etat d'Israël. Les résultats officiels annoncés par Hanna Nasser, président de la commission électorale, dans la soirée de jeudi, ont donné 76 sièges au Hamas contre seulement 43 sièges au Fatah qui domine l'actuel CLP, élu en 1996. Les 13 sièges restants sont allés à des mouvements de moindre importance et à des indépendants. Le taux de participation au scrutin a été évalué à 77%. Cette victoire écrasante du Hamas, admise et acceptée par le Fatah a provoqué un véritable séisme dans les territoires palestiniens où personne ni même les partisans du Hamas ne s'attendaient à un tel écart entre les deux protagonistes. Bien avant l'annonce officielle des résultats, les militants et les partisans du Hamas ont commencé leur célébration de cette retentissante victoire. Les banderoles, les bannières de couleur verte du Hamas portées par des milliers de personnes ont envahi les rues et les placettes de la ville de Ghaza et de toutes les autres villes palestiniennes. Des centaines de véhicules ont roulé en klaxonnant durant une grande partie de la nuit. Des feux d'artifice ainsi que des coups de feu tirés en l'air ont aussi été utilisés dans ce déferlement populaire qui a submergé les territoires palestiniens de longues heures durant. Malgré la grande déception et parfois la colère, visible sur les visages des partisans du Fatah, aucun incident de taille n'a été signalé entre les deux parties. Des heurts ont été signalés à Ramallah lorsque des jeunes du Hamas ont essayé de hisser le drapeau vert portant l'emblème de leur mouvement sur le toit du bâtiment du Conseil législatif. La police a réussi à disperser les partisans des deux camps. Le président Abbas a demandé à toutes les parties de respecter les résultats du vote qu'il a considéré comme une grande victoire du peuple palestinien. Il a affirmé d'un autre côté qu'il poursuivra le programme sur la base duquel il a été élu, et qui consiste en la recherche d'une solution négociée du conflit avec Israël avec l'établissement d'un Etat palestinien sur les territoires occupés durant la guerre de 1967 avec El Qods comme capitale et une solution équitable de la question des réfugiés. « Je tiens à appliquer le programme sur la base duquel j'ai été élu. C'est un programme qui adopte la négociation comme moyen pour un règlement pacifique du conflit avec Israël », a déclaré M. Abbas dans un discours radiodiffusé jeudi, après l'annonce des résultats. Sans nommer le Hamas, il a annoncé qu'il allait entamer immédiatement des consultations en vue de la formation du nouveau gouvernement palestinien. Il avait auparavant accepté la démission du Premier ministre Ahmad Qoreï, présentée par ce dernier avant même l'annonce officielle de la victoire du Hamas. Plusieurs responsables du Fatah ont déclaré que le mouvement restera dans l'opposition et qu'il ne participera pas à un gouvernement de coalition, comme semble l'envisager Hamas. Les militants du Fatah ont imputé cette défaite à la mauvaise gestion qui a caractérisé l'Autorité palestinienne ainsi que les dissensions internes qui opposent la vieille garde aux jeunes cadres du mouvement. Des milliers d'entre eux étaient sortis dans les rues de Ghaza très tôt hier matin manifester leur mécontentement. Certains ont tiré des coups de feu en l'air. Ces mêmes militants, dont nombreux étaient contre la candidature de la majorité des candidats désignés par le Fatah dans les circonscriptions à cause d'un passé douteux entâché de mauvaise gestion ou même de corruption, ont expliqué le mauvais score à ce niveau. Parmi eux figurent d'anciens ministres, d'anciens députés ainsi que d'anciens responsables sécuritaires. Le Fatah n'a obtenu que 16 sièges sur les 66 prévus pour les circonscriptions, alors que le Hamas en a raflé 45. Au niveau des listes, les scores étaient proches, 27 pour le Fatah, et 31 pour le Hamas. Beaucoup de voix se sont élevées pour demander la tenue immédiate du sixième congrès du mouvement Fatah, prévu pour le mois d'août prochain. D'autres ont exigé la démission des responsables du mouvement (comité central et comité révolutionnaire) accusés d'être à l'origine de cet échec historique de ce vieux mouvement de libération, qui peut tout de même se vanter d'avoir introduit le processus démocratique au sein de la société palestinienne, avant même l'achèvement de la libération du pays.