Cette fois, c'est fait et en la matière, les Palestiniens ont inauguré une nouvelle ère en soumettant hier au vote du Conseil législatif palestinien (CLP) l'investiture du premier gouvernement palestinien d'union. Ce gouvernement, le 11e depuis la création de l'Autorité palestinienne en 1994, est le premier jamais établi entre le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas du Premier ministre désigné Ismaïl Haniyeh. Le Hamas disposera de 12 portefeuilles, dont celui de Premier ministre octroyé au chef de cabinet sortant Ismaïl Haniyeh, sur 25 au total. Le Fatah en comptera six. Sept autres ministères, dont les Finances, les Affaires étrangères et l'Intérieur, ont été attribués à des personnalités considérées comme « indépendantes » ou relevant de petites formations. D'entrée, le président Abbas a donné le ton des intentions du nouveau gouvernement en rejetant « toutes les formes de violence » et appelé à un règlement négocié avec Israël. « Nous répétons que nous rejetons la violence sous toutes ses formes et que nous recherchons un règlement s'appuyant sur la légitimité internationale, à travers des négociations que nous sommes prêts à reprendre pour parvenir à une paix juste », a déclaré le président de l'Autorité palestinienne et chef du parti Fatah. S'adressant au « peuple et au gouvernement israéliens », il s'est ainsi dit prêt à « s'engager sur la voie d'une paix juste en reprenant les négociations sans conditions » entre l'OLP et le gouvernement israélien. A l'instar de M. Abbas qui a émis l'espoir que la mise en place du gouvernement d'union ouvrirait la voie à « des mesures concrètes » pour la levée des sanctions occidentales imposées au cabinet sortant, M. Haniyeh a appelé à la fin de l'isolement international. « Nous nous attendons à ce qu'ils (les pays du monde) prennent des mesures concrètes pour lever l'embargo imposé à notre peuple et faire pression sur les autorités de l'occupation afin qu'elles fassent de même », a déclaré M. Haniyeh dans son discours d'investiture. Il a affirmé qu'il œuvrerait « avec la communauté internationale à mettre fin à l'occupation et recouvrer les droits légitimes de notre peuple, au premier rang desquels la création d'un Etat indépendant, jouissant d'une pleine souveraineté sur les territoires occupés en 1967 ». Une formule jamais utilisée de manière aussi explicite. Outre cet engagement qui implique une reconnaissance au moins implicite d'Israël, il a souligné que son gouvernement « respecte les résolutions de la légitimité internationale et les accords signés par l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) ». Il reste que la réponse israélienne, venue de manière rapide, ne surprend guère. Israël a, en effet, affirmé qu'il ne négociera pas avec le nouveau gouvernement palestinien. Un porte-parole de la présidence du Conseil a indiqué hier qu'« Israël ne reconnaîtra pas et ne travaillera pas avec ce nouveau gouvernement ni avec aucun de ses membres ». Reste la communauté internationale que ne saurait représenter le fameux Quartette international sur le Proche-Orient. L'Union européenne et les Etats-Unis hésitent, pour leur part, à reconsidérer leur boycottage économique et politique des Palestiniens en vigueur depuis un an, indiquant qu'ils souhaitent étudier le programme du cabinet d'union. Selon ce forum informel (ONU, Russie, USA, UE) pour le Proche-Orient, le Hamas doit se plier à ces exigences, faute de quoi, il continuera d'être considéré comme une « organisation terroriste » à laquelle il refuse de verser des aides directes. C'est ce chantage qui a été dénoncé par les Palestiniens amenés à faire face à l'une des situations les plus dramatiques de leur histoire. Cela a même débouché sur des affrontements entre Palestiniens faisant une centaine de victimes depuis décembre dernier. Voulant mettre fin à une telle situation, le président palestinien avait envisagé des élections générales anticipées, considérées par le Hamas comme un coup d'Etat. La formule du cabinet d'union a permis de surmonter cette crise. Mais cela ne veut pas dire que les pressions extérieures vont disparaître. Les Occidentaux ont tout fait pour marginaliser l'ancien président palestinien Yasser Arafat, proposant même une nouvelle direction, ou suggérant que le Hamas s'engage dans la politique. Ce qui a été fait en janvier 2006, avec les résultats que l'on connaît. Sauf qu'Israël et ses alliés se sont empressés de brouiller le jeu.