L' Organisation des Nations unies avait choisi le 18 décembre 2000 pour instituer la Journée mondiale des migrants, rappelant le dixième anniversaire de l'adoption par son Assemblée générale de la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs immigrés et des membres de leur famille. Aujourd'hui 18 décembre 2011 est, par contre, pour notre pays, une date dont il ne pourrait être fier et ou la célébrer dans la joie vu les chiffres macabres se rapportant aux Algériens morts engloutis par la houle de la Méditerranée. Pour la seule période allant de janvier à la fin octobre de 2011, le canal de Sicile, itinéraire privilégié de nos harraga, a, à lui seul, comptabilisé 87% des 1674 migrants illégaux morts dans les traversées méditerranéennes. Pour ceux dont l'identification en tant qu'Algériens est établie, le nombre s'élève à 189 victimes et cela, faut-il le souligner, ne concerne que les harraga partis vers la Sardaigne depuis les côtes annabies. Si l'on tient compte de ceux parmi les 5969 ayant péri depuis 1994, l'année où débuta la comptabilisation des morts sur le même canal de Sicile, dans les tentatives de franchissements illégaux, les chiffres seraient ahurissants. En termes relatifs, l'année 2011 est la pire. La raison, nombreux étaient les Algériens à s'être mêlés aux dizaines de milliers de migrants illégaux libyens et tunisiens partis vers Lampedusa, en raison des crises qu'ont connues leurs pays respectifs et parmi lesquels on dénombre plusieurs personnes portées disparues dans les naufrages fantômes. D'autres harraga, dont les familles restent à ce jour sans nouvelle, ont disparu le long de la route maritime vers l'île sarde. Surcharge aidant, la fragilité de leurs embarcations a souvent raison de tous les efforts de combattre seuls la houle. Car en ce qui concerne le sauvetage, les pêcheurs prêtent de plus en plus difficilement leurs secours en mer, pour ne pas risquer l'arrestation et la saisie de leurs barques. C'est la même chose pour les navires de guerre de l'OTAN, mais bien évidemment pour d'autres raisons. Sans le savoir, les harraga annabis arrivent, dans la plupart des cas, sur le littoral sud de l'île sarde, non loin de la plage Capo Teulada, indique Mounira Haddad, présidente de l'association Afad, qui active dans la défense de la cause des harraga. Là où est justement implantée une base d'entraînement des forces de l'OTAN dont le polygone avec son vaste terrain de plus de 7000 ha, destiné aux exercices de tirs de l'artillerie, et ce, à partir de la côte. Des naufrages fantômes Plus frappant encore, les harraga algériens se retrouvent, en outre, souvent exposés à un autre risque et non des moindres : sauter sur les mines disséminées au sol par les militaires de l'OTAN pour protéger le périmètre de la base, lâche la même source. Car il arrive que des harraga s'égarent aux alentours de cette base militaire lorsqu'ils parviennent à échapper aux mailles des gardes-côtes italiens ou de leurs alliés de Frontex. A cela vient se greffer le sort réservé à ceux épinglés par les 3000 militaires récemment déployés dans les grandes villes italiennes pour appuyer les forces de l'ordre dans la chasse aux sans-papiers, les Algériens en particulier. Que faut-il de plus à nos gouvernants pour qu'ils se réveillent et puissent enfin sortir de leur longue et étrange torpeur ? A cette question, Mme Haddad a répondu sans ambages : non : «Ils ne se réveilleront pas de sitôt, nos politiques, eux sont heureux, ils vivent loin des Algériens, dans leur grande majorité, retranchés de la population, et n'ont pas les mêmes préoccupations. Ils ne sont concernés que par la question du pouvoir, ils sont occupés à affûter avec rage leurs armes pour se placer avec les leurs, dans les prochaines élections, et se projeter dans la perspective de la présidentielle, sans se soucier de ce qui se passe autour d'eux», s'indigne-t-elle. Et d'ajouter : «Dans leur programme, la jeunesse demeure un éternel alibi, d'ailleurs au même titre que les femmes, que pour le racolage électoral, en fait comme une simple question subsidiaire. Cette jeunesse n'est associée à aucune décision prise en son nom, le changement tant attendu n'est pas pour demain. Alors vogue la galère, on est en pleine schizophrénie, et ce sont les jeunes qui en payent le prix en fuyant le pays et en mourant engloutis par les flots de la mer.» C'est dramatique.