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Le temps des pressions
Après la victoire de Hamas aux élections palestiniennes
Publié dans El Watan le 29 - 01 - 2006

La question avait été occultée, sinon esquivée, jeudi par les responsables américains dans leurs premiers commentaires à la suite de la large victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes de mercredi dernier. Même constat quelques heures plus tard avec la réunion téléphonique du Quartette.
Quoi faire pour amener le parti victorieux à moins d'intransigeance ? Plus précisément, comment faire pour l'amener à reconnaître l'existence d'Israël ? A croire que là était la question essentielle quand on sait que l'Etat hébreu refuse de reconnaître qui que ce soit, et dans le cas inverse se sert de cette carte comme s'il s'agissait d'une concession majeure, et même vitale pour son existence. Et dans le cas du Hamas et de sa relation avec Israël, ses responsables ne pouvaient être plus explicites. L'un d'entre eux, Khaled Mechaal, certainement le plus connu pour avoir été déclaré l'ennemi public numéro un d'Israël, a rappelé le programme de son mouvement, lequel a-t-il souligné, n'appelle pas à la destruction d'Israël. Ce qui aurait dû suffire. Mais vendredi, le président George W. Bush a déclaré que les Etats-Unis couperaient les aides aux Palestiniens si le Hamas ne renonçait pas à la violence et à son projet de détruire Israël une fois au pouvoir. « S'ils ne le font pas, nous ne traiterons pas avec eux », a déclaré M. Bush dans un entretien à la chaîne de télévision CBS. « Les aides n'arriveront pas », a déclaré M. Bush, sans préciser clairement s'il parlait de la totalité des aides, y compris donc les programmes d'assistance humanitaire, ou seulement de l'aide directe versée à l'Autorité palestinienne. Le Hamas « doit se défaire de ce bras de leur parti, qui est armé et violent, et, deuxièmement, ils doivent se défaire de cette partie de leur programme qui dit qu'ils veulent détruire Israël », a dit M. Bush. « A eux de décider », a dit M. Bush, « mais nous n'apporterons pas d'aide à un gouvernement qui veut détruire notre allié et notre ami », Israël. M. Bush a ainsi considérablement durci le ton employé auparavant dans la journée par ses diplomates premiers à réagir aux élections palestiniennes. « Si le Hamas rentre au gouvernement, ce qui maintenant paraît probable, nous allons devoir revoir tous les aspects de notre programme d'aide aux Palestiniens », a déclaré devant la presse le porte-parole du département d'Etat Sean McCormack. « Notre politique est très claire : nos lois et notre politique sont que nous ne donnons pas d'argent aux organisations terroristes », a-t-il déclaré. M. McCormack a indiqué que l'ensemble de l'aide américaine aux Palestiniens serait réévaluée à la lumière des lois américaines en vigueur qui interdisent à l'administration de financer une organisation considérée comme terroriste. Il a cité l'aide directe que Washington a fourni ces dernières années à l'Autorité palestinienne présidée par M. Mahmoud Abbas (50 millions de dollars en 2005), mais aussi les programmes d'assistance humanitaire de l'agence américaine USAid (225 millions) et la participation des Etats-Unis au programme de l'ONU dans les territoires palestiniens, l'UNRWA (88 millions), sans que l'on sache si ces derniers chiffres sont ceux de l'année écoulée, ou bien alors de toute la décennie allant depuis 1995. « La communauté internationale comprend que le peuple palestinien a des besoins humanitaires et qu'ils sont pauvres », a noté M. McCormack. La question ainsi posée demeure tronquée, et ses paramètres faussés. Il n'est nulle part fait mention de l'occupation israélienne et du droit des Palestiniens à la légitime défense, car eux effectivement peuvent la revendiquer comme le font d'ailleurs les Américains dans la lutte contre le terrorisme. Ces paramètres étant posés, la question palestinienne ne saurait alors être posée sous l'angle humanitaire dans son sens étroit, mais bien de la satisfaction des droits nationaux, sans que cela gêne en quoi que ce soit les Etats-Unis dans leurs alliances. Et pour revenir à la position américaine, un haut responsable du département d'Etat a laissé entendre que ce réexamen ne signifiait pas forcément un arrêt total des programmes américains en faveur des Palestiniens. « Je ne vais pas préjuger de la conclusion de notre réexamen », a déclaré ce responsable sous le couvert de l'anonymat. Il a assuré que Washington n'entendait pas punir les Palestiniens d'avoir massivement élu le Hamas, ni menacer ce mouvement. La question de l'aide aux Palestiniens figurera au centre des discussions que la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, aura demain à Londres avec ses homologues du Quartette pour le Proche-Orient, auteur d'un plan de paix prévoyant la création d'un Etat palestinien aux côtés d'Israël, mais dépassé. Elle doit rencontrer le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, le Haut représentant diplomatique de l'Union européenne, Javier Solana, et la commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner. Ces responsables ont appelé le Hamas à renoncer à la violence et reconnaître le droit à l'existence d'Israël. Soucieux d'apaiser ces craintes, M. Abbas a affirmé jeudi, dans une mise en garde voilée au Hamas, que le nouveau gouvernement devrait « respecter des accords et des engagements pris auprès de la Communauté internationale », en faisant référence à la « Feuille de route ». L'Europe, relevait-on ces derniers jours et avant même la victoire du Hamas, avait nuancé sa position, ne s'opposant plus à la participation du Hamas aux élections tout d'abord, et au pouvoir ensuite comme le lui permet sa victoire. Reste maintenant à savoir si ces pressions seront productives avec un peuple qui fait face à un déni de justice et qui entend poursuivre sa lutte.

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