Il vient d'être réélu pour un 11e mandat à la tête du Polisario et, par la même, à la présidence de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), à l'issue du 13e congrès du Front. Entre intensification de l'Intifadha dans les territoires occupés, la reprise des négociations avec le Maroc, et la menace terroriste qui risque de fragiliser la cause sahraouie, Mohamed Abdelaziz aura beaucoup à faire au cours des années à venir. Dans cet entretien à El Watan, le président sahraoui s'exprime sur les objectifs de ce prochain mandat. Propos recueillis par notre envoyée spéciale à Tifariti (territoires libérés)
- Quel bilan peut-on faire de ce 13e congrès du Front Polisario ? Ce 13e congrès est une réussite sur plusieurs plans. Les résultats sont probants. Ainsi, le congrès a arrêté son programme d'action national, voté les statuts et le règlement intérieur du Front Polisario, entériné la Constitution de la République sahraouie arabe démocratique (RASD). De même, il a été procédé à l'élection des instances dirigeantes du parti, du secrétariat général et du secrétariat national. L'un des aspects les plus significatifs de ce congrès est l'importance accordée à l'ensemble des franges représentatives de la population sahraouie. La présence dans la vie publique et politique de la femme sahraouie a été élargie, pour lui conférer la place qui lui revient. En plus, il a été octroyé aux étudiants et aux jeunes une présence plus grande dans les instances dirigeantes, tout comme c'est le cas pour les travailleurs. Le congrès a entériné un programme d'action national considérable pour les années à venir. - Quels sont les objectifs fixés par le congrès pour le prochain mandat ? Le but principal et principiel est l'indépendance nationale. Pour y parvenir, nous devons utiliser tous les moyens et outils en notre possession. Nous avons opté pour l'intensification de l'Intifadha et de la lutte pour la libération des territoires occupés. La priorité sera donnée à l'Armée de libération nationale et sa préparation à toutes les éventualités. De plus, nous axerons nos actions sur la diplomatie et la concrétisation de nos acquis sur la scène internationale. - Le Front Polisario a affiché son soutien aux révolutions populaires en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Yémen et en Syrie. Qu'attendez-vous du Printemps arabe ? La lutte sahraouie est similaire à ce qui a caractérisé le Printemps arabe. Elle est de la même essence. Le combat pour défendre la dignité des citoyens, pour la liberté, pour la démocratie, contre l'oppression, bref tous les facteurs qui ont poussé ces peuples à se soulever. Ces résistants ont réussi à arracher leur liberté, à instaurer les fondements d'une démocratie et à recouvrer leur dignité. Et ce en bénéficiant du soutien inconditionnel et de l'aide des grandes puissances occidentales. Nous attendons de bénéficier, à l'instar des Tunisiens, Egyptiens et autres, de ce même droit à «choisir» et à jouir de nos droits et de notre liberté. Nous espérons aussi que ces peuples arabes, ainsi que le reste de la communauté internationale, soient solidaires de la cause sahraouie. - La situation sécuritaire et la multiplication des activités terroristes dans la région, jusque dans les camps de réfugiés, ont été au cœur de ce congrès. Quelles sont les menaces qui pèsent sur la RASD ? La région vit actuellement une situation instable et des plus dangereuses. Cela est en grande partie dû à la politique globale marocaine. L'occupation et ses attaques itératives sur la RASD, ainsi que la répression illégale du peuple dans les territoires occupés, ont abouti à la division par le Maroc des terres sahraouies, et ce par des ceintures militaires défensives. Ces politiques agressives ont suscité une dégradation des relations et de l'entente entre tous les pays de la région. Ce qui est à l'origine de l'instabilité sécuritaire régionale. Mais plus dangereux, le Maroc est le premier producteur et exportateur au monde de cannabis et de kif. Le royaume chérifien exporte ses productions à travers le monde. Les pays européens ont réussi à fermer leurs frontières à ce trafic, tout comme ils l'ont fait pour l'immigration clandestine, la contrebande, le trafic d'armes, etc. Le Maroc s'est alors tourné vers le Sud pour écouler ses productions. Des quantités immenses. Ces activités criminelles rapportent au Maroc près de 15 milliards de dollars annuellement. Autour de ce trafic de stupéfiants se sont greffés des contrebandiers qui ont formé des gangs et des groupes armés. Ces réseaux activent et couvrent le Maroc et les pays voisins, le Grand Sahara, le Sahel et jusqu'à la mer Rouge et le Moyen-Orient. Autour de ce phénomène, se cristallisent les activités de groupes criminels, qui menacent la sécurité, la stabilité et la prospérité de la région. Ils sèment la peur, les agressions, et les maux en tout genre. Tout cela se mêle au terrorisme international, qui pullule dans le Sahel. Le Maroc est grandement responsable de cet état de fait, mais ce spectre plane sur l'ensemble des pays de la région. A l'ouverture de ce congrès, et tout au long de son déroulement, le Polisario a réitéré sa volonté inébranlable de protéger la région de ces fléaux. La RASD assume pleinement ses responsabilités et coopère avec les pays du Sahel afin de faire face, d'un front commun, à ces menaces.