La comédie dramatique libanaise « Hala, ala wine ? » (« Et maintenant, on va où ? ») de la jeune Nadine Labaki a décroché jeudi 22 décembre au soir au Palais des conventions d'Oran le grand prix, El whir d'Or, du cinquième Festival d'Oran du film arabe (FOFA). Oran De notre envoyé spécial « C'est un travail complet sur tous les plans, images, direction d'acteurs, sujet, musique. Ce film est une fierté pour le cinéma arabe », a déclaré la tunisienne Fatima Bensaïdane, présidente du jury long métrages. « Hala, ala wine ? » a également obtenu le prix du meilleur scénario. Claude Baz Moussawbaa, qui a interprété le rôle de la mère Takla dans le même film, a été consacrée meilleure actrice. Ces trois distinctions sont largement méritées tant la fiction de Nadine Labaki, profondément humaine, est menée avec art, fraîcheur et intelligence. « Nous ne voulons pas de la guerre stupide et inutile en nom de la religion. Nous vivrons ensemble dans la paix », a déclaré lors de la cérémonie de clôture Anjou Rihane, actrice de « Hala, ala wine ? », qui a parlé en nom de la réalisatrice Nadine Labaki, absente lors du festival. Son plaidoyer pour la paix était émouvant et sincère. Cette fiction, la deuxième pour Nadine Labaki après « Soukar Banat », revient sur le conflit entre musulmans et chrétiens dans un village libanais, un plaidoyer tout en douceur pour le dialogue des cultures et la tolérance. Le prix du meilleur metteur en scène a été attribué à l'égyptien Khaled Youssef pour « Kaf Al Kamar » ( « La paume de la lune »). Ce film, le quatrième d'une série qu'a consacré Khaled Youssef, élève de Youssef Chahine, à la société égyptienne d'aujourd'hui et au combat de la classe moyenne pour les droits sociaux et politiques. « Kaf El Kamar » célèbre quelque peu ce besoin d'unité au moment où les pays arabes sont traversés par une profonde vague de contestation et de changements. « Que cette révolution se poursuive dans le monde arabe. Je dédie ce prix a la jeune fille qui a défié le Conseil militaire en montrant, forcée, une partie de son corps. C'est un acte de bravoure contre tous les tyrans », a déclaré Khaled Youssef. Lors des dernières manifestations à Maidan Tahrir au Caire, une jeune a été traînée par terre par des soldats. Un acte de sauvagerie qui l' dénudé partiellement. Le cinéaste tunisien Ridha Béhi est allé dans le même sens que Khalde Youssef. Il a salué la révolution du 14 janvier 2011 qui a mis fin à plus de vingt ans de règne du régime de Zine Al Abidine Ben Ali-Leila Trabelsi. Ridha Béhi a obtenu le prix du jury pour son excellent film « Dima Brando » dans lequel l'image de l'acteur américain Marlon Brando sert de prétexte pour aborder le rapport avec l'autre, l'Occident avec le monde musulmans et les musulmans avec les autres. Le film est aussi une critique acerbe du phénomène touristique qui agresse les cultures et les traditions locales(un sujet très sensible en Tunisie). Le FOFA a innové en attribuant le prix du meilleur acteur à des enfants. Il s'agit des marocains Brahim Bakali et Lotif Saber pour le film « Majid » du jeune cinéaste Nassim Abassi. Une fiction touchante qui évoque le problème des enfants de rue. « Merci d'avoir pensé aux enfants », a lancé Nassim Abassi. Un autre marocain, Mohamed Nadif a décroché la distinction du meilleur premier film prometteur. « Andalousie, mon amour » est le premier long métrage pour Mohamed Nadif, connu pour être un réalisateur de court métrage, comédien et dramaturge. Le jury a également salué le travail courageux du jeune égyptien Amr Salama avec son film « Asmaa » qui revient sur le Sida et sur la vue qu'a la société sur cette maladie. Hind Sabri (Asmaa) a admirablement interprété le rôle d'une mère atteinte du virus du VIH mais qui lutte contre les préjugés et le regard des autres. Amr Salama s'est inspirée du cas de Zahira, une algérienne, qui a été la première femme arabe à avouer publiquement sa maladie. « Je dédie ce prix à tous les jeunes de la révolution en Egypte », a lancé le jeune cinéaste. « Asmaa » est également le premier long métrage pour Amr Salama. Le jury long métrages était, pour rappel, composé de l'algérien Benamar Bakhti, l'égyptienne Hala Sedki, de la marocaine Madjida Benkirane, du libanais Maghnia Bassem, en plus de la comédienne tunisienne Fatma Bensaïdane, présidente. Les deux seuls films algériens produits en 2011 et retenus pour la compétition officielle étaient trop médiocres pour être ignorés par ce jury. Il s'agit de « Normal » de Merzak Allouache et « Kadach Thabni » de Fatm Zohra Zammoum. Le cinéma algérien est en crise. Tout le monde le sait. Mais, jusqu'à quand ? A quand le sursaut d'orgueil ?
Soirée Maghrébine
Pour la section court métrages, le film du jeune marocain Adil Fadili, « Courte vie » a décroché le wihr d'Or. Ce film, déjà primé par une trentaine de distinctions à travers le monde, raconte les travers de la vie d'un homme depuis son enfance et jusqu'à l'âge adulte. Tourné en 35 mm, le film est à mettre dans le registre du cynisme social et de la satire politique intelligente. « Je dédie ce prix aux peuples algérien et marocain, des peuples plus grands que les frontières », a déclaré Adil Fadili. Un autre jeune, l'égyptien Mohamed Ramadane a, lui, amplement mérité le prix du jury pour son court métrage, « Hawas » (« Sens »). Un film sensible sur l'humain dans tous ses tourments, ses contradictions et ses peurs. Le tout est exprimé en concentré à partir de l'histoire d'une infirmière qui s'attache à un homme dans le coma. Le jury courts métrages, présidé par l'algérien Abdelnour Zahzah, a décidé d'attribuer des prix d'encouragement à l'algérienne Yasmine Chouikh pour son court métrage, « Djinn », et au jordanien Zayd Abou Hamdane pour « Bahia et Mahmoud », à l'égyptien Haitham Saqr pour « Beep » et au palestinien Oussama Bouardi pour « Hanin » (nostalgie). En hors compétition, l'algérien Saïd Oulmi a reçu le premier prix pour son documentaire Darou Al Hadtih (la maison du récit) de Tlemcen, réalisé à la faveur « Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011 ». Animée par le critique de cinéma Djamel Hazourli et les comédiens Bahia Rachdi et Mohamed Adjaïmi, la cérémonie de clôture a été marquée par une soirée musicale maghrébine avec la présence du chanteur marocain Abdelwahab Doukali, de la chanteuse tunisienne Nabiha Karaouli et de la diva du raï Zahouania. Le jeune artiste oranais Kouider Negadi, dont la voix rappelle le défunt Ahmed Wahbi, est monté le premier sur scène. Une manière pour les organisateurs de l'encourager à poursuivre son parcours sur le chemin des arts.