Venus de la zone industrielle de Rouiba, plus d'un millier de travailleurs se sont rassemblés hier devant le siège de l'UGTA, à Alger, en présence d'un important dispositif de sécurité. Ils n'ont pas marché mais occupé l'esplanade durant trois heures l Le ministre de l'Industrie s'est engagé personnellement à prendre en charge leurs revendications… Ils étaient plus d'un millier de travailleurs de la zone industrielle de Rouiba à avoir rejoint, tôt dans la matinée d'hier, l'esplanade de la Maison du peuple à Alger. Le cœur plein, ils ont exprimé leur «désarroi», mais également leur «colère» face aux «nombreuses agressions» dont ils font l'objet de la part de leur employeur, qu'il soit du secteur privé ou public. «Halte aux licenciements» «Les vieux chassent les jeunes», «Halte à la hogra» sont les quelques slogans transcrits sur les banderoles et scandés par la foule. «C'est vraiment regrettable de ramener autant de travailleurs pour revendiquer l'application de la loi», déclare Mokdad Messaoudi, secrétaire général de l'union locale de Rouiba, de laquelle dépendent les 81 sections syndicales UGTA, de la zone industrielle. «Nous sommes convaincus qu'il existe des parties malveillantes qui veulent pousser au pourrissement. Nous sommes là uniquement pour défendre nos droits syndicaux (…) Est-il normal qu'en 2011 les travailleurs n'arrivent même pas à créer une section syndicale à l'intérieur de leur entreprise ? Est-il normal que 1600 employés d'une société ne puissent pas avoir leur syndicat ? C'est malheureusement une réalité que les autorités ne voient pas parce qu'elles se fient aux informations erronées que leur donnent les SGP et les cadres dirigeants. Nous refusons le recours aux retraités pour diriger les entreprises publiques et nous exigeons l'application des lois relatives aux libertés syndicales et aux départs à la retraite. Les PDG, qui ont reçu leurs indemnités de retraite, doivent partir et une enquête sur leur gestion est une de nos exigences. Il y a un directeur de l'administration et des moyens généraux qui a encaissé sa prime de départ et une indemnité de 16 mois de salaire, pour une retraite proportionnelle sans pour autant qu'il quitte son poste alors que son PDG a dépassé les 65 ans. Nous exigeons que des enquêtes soient faites sur leur gestion», déclare Messaoudi sous de longues ovations des protestataires. Chargé de l'organique, Salah Djenouhat abonde dans le même sens. «Nous sommes ici pour dénoncer l'excès de zèle et la répression de certains cadres dirigeants du secteur public, mais également du privé que nous avons défendu pour qu'il bénéficie d'une réduction des charges fiscales et sociales afin de faire travailler les jeunes. Nous ne laisserons personne manipuler la zone industrielle. Vos revendications sont celles de la direction de l'UGTA. Mais évitons d'aller dans la rue. Soyons plus sereins et plus organisés», dit-il avant de laisser Messaoudi reprendre le micro. «Nous refusons de continuer à subir. Nous voulons des mesures concrètes sinon nous passerons à une nouvelle étape. Depuis septembre dernier, nous ne faisons qu'alerter sur la situation, mais aucune réponse ne nous a été donnée.» Lui emboîtant le pas, Belmiloud, secrétaire général du syndicat de la SNVI, précise : «Nous nous défendrons contre toutes les agressions. Les travailleurs qui sont là veulent marcher sur les ministères de l'Industrie et du Travail pour se faire entendre. Nous voulons du concret. S'ils ne nous donnent pas de réponse, nous occuperons la rue.» Et Messaoudi d'ajouter : «Il a suffi que nous fassions une assemblée générale pour que le ministère du Travail réagisse pour nous demander de confronter nos informations à celles des SGP et des cadres dirigeants. Alors, nous allons voir ce qu'ils nous donneront comme réponse aujourd'hui.» Pour Salah Djenouhat : «La loi de la rue est très difficile. Nous sommes convaincus que les travailleurs vont donner la chance à un dialogue pour éviter les dérapages. Nous voulons l'arrêt des licenciements, le retrait des plaintes et la suspension des poursuites judiciaires, d'autant que demain (aujourd'hui, ndlr), cinq syndicalistes devront comparaître devant le tribunal de Rouiba pour leurs activités syndicales.» Une fois les discours terminés, une délégation de cadres syndicaux a été reçue par Abdelmadjid Sidi Saïd et par des membres du secrétariat national. Eviter les dérapages Ce dernier leur exprime sa solidarité et celle de l'ensemble des instances de l'organisation. «Les lois doivent être appliquées. Elles ne sont pas négociables», dit-il avant de revenir sur la résolution du conflit de la SNVI. «C'est à des solutions concrètes que nous voulons arriver. Le ministre de l'Industrie veut avoir nos informations pour les confronter avec celles des SGP et des cadres dirigeants. Ces derniers ont manipulé la réalité pour orienter la décision de l'autorité. C'est une double action de destruction et de déstabilisation. Nous dénoncerons tout conflit qui repose sur le subjectif et nous réagirons sur une base syndicale musclée. La zone industrielle compte entre 200 et 250 000 travailleurs. Lorsqu'elle bouge, elle fait bouger le pays avec elle», relève Sidi Saïd, avant d'annoncer qu'un rendez-vous avec le ministre de l'Industrie a été programmé durant la journée (d'hier vers 12h30). «Il sera destinataire de tous les documents et entendra les préoccupations des travailleurs en présence de l'inspecteur général du Travail. Rien ne se fera sans les travailleurs.» Réconforté après une demi-heure de discussion avec les dirigeants de l'UGTA, Messaoudi revient vers la base et annonce : «Nous allons remettre nos revendications aux deux ministres en leur accordant un délai de dix jours au-delà duquel s'il n'y a aucune réponse, nous jouerons le match retour à Rouiba. Et Dieu seul sait ce que nous ferons sur place», lance-t-il au micro, sous les applaudissements des travailleurs. Vers 12h30, les manifestants ont commencé à se disperser dans le calme.