Avec des recettes d'hydrocarbures de plus de 60 milliards de dollars, une cagnotte de près de 200 milliards de dollars de réserves de change à la fin de l'année dernière et pas d'endettement externe, l'Algérie a terminé l'année 2011 dans une situation financière confortable à première vue. Pourtant, quand on sait que la facture d'importation a atteint les 45 milliards de dollars et que les dépenses publiques se sont élevées à plus de 8000 milliards de dinars, pour un taux de croissance d'à peine 3,5%, l'impression d'aisance financière que dégage l'économie algérienne devient vite relative au même titre que les perspectives économiques pour 2012. Cela d'autant que le gouvernement ne semble pas s'acheminer vers un changement de cap dans la mesure où l'économie algérienne continuera à présenter le schéma d'une croissance tirée par la dépense publique. Le projet de loi de finances 2012 a déjà prévu un déficit global du Trésor de l'ordre de 25,4% du PIB en raison d'une dépense publique toujours aussi conséquente. La situation est d'autant plus inquiétante que les dépenses faramineuses qui sont consenties ne semblent pas avoir de répercussions sur le plan de la croissance économique qui reste dramatiquement faible par rapport aux montants déboursés. Dans son rapport de mission sur l'Algérie en octobre dernier, le Fonds monétaire international notait pour les perspectives économiques 2012 que «la politique budgétaire reste expansionniste avec la poursuite de l'application des rémunérations plus élevées des fonctionnaires et des mesures de soutien d'ordre socioéconomique lancées en 2011, tout en continuant les efforts pour l'amélioration des infrastructures publiques». Pourtant, le gouvernement ne semble pas s'inquiéter outre mesure, considérant que si les prix du pétrole se maintenaient dans une fourchette de 75 à 90 dollars, «il n'y aura pas de nécessité de recourir aux réserves de change du pays». Un œil sur la zone euro Seulement, l'Europe, qui représente un marché majeur pour les exportations d'hydrocarbures - principal sources de revenus du pays - est en crise, ce qui pourrait à moyen terme affecter l'économie algérienne. D'ailleurs, le ministre des Finances a reconnu : «Si cette crise persiste, nous devons ajuster nos dépenses publiques.» Et de préciser qu'une décision de «baisser de 10% les dépenses publiques en 2012 était prise». Nasser Bouyahiaoui, professeur d'économie, pense que l'Algérie sera «touchée si la situation d'aggrave et si le ralentissement de l'économie européenne s'étend au niveau mondial entraînant une baisse de la demande sur le pétrole dont les prix pourraient chuter de 20% à 30%». Toutefois, tempère-t-il, «à partir du second semestre 2012 et avec les instruments financiers qui sont en train d'être mis en place, l'Europe devrait pouvoir se relancer». En outre, «les conflits au Moyen-Orient devraient permettre au prix du pétrole de rester stable» Le FMI avait déjà prévenu que les perspectives favorables pour l'Algérie à moyen terme étaient soumises à «certains risques» parmi lesquels «la détérioration de l'environnement économique international qui pourrait entraîner une baisse prolongée du prix du pétrole qui dégraderait fortement les équilibres budgétaires». En l'absence d'une économie forte et diversifiée et d'un tissu d'entreprise créateur de richesse en dehors des hydrocarbures, l'Algérie se retrouve, à chaque nouvelle crise mondiale, à espérer que l'impact de cette dernière ne soit trop important. Or, souligne le professeur Bouyahiaoui, «au lieu d'attendre les conséquences, on devrait davantage évoquer les opportunités qu'offre la crise européenne et dont pourrait tirer profit l'Algérie». Partout en Europe, «il y a des entreprises en faillite et des banques en difficulté, l'Algérie peut profiter de ses ressources pour racheter des entreprises ou des banques ou entrer dans leur capital». L'option des fonds souverains Avec les réserves de change accumulées, le pays a les moyens d'envisager de telles perspectives, selon notre interlocuteur, pour qui l'utilisation de cette manne serait plus efficace si elle servait à la création de plusieurs «fonds souverains». L'un, dit-il, serait «orienté vers l'investissement en Afrique, un second pour se placer dans les pays développés où il y a une crise de liquidité, un troisième en direction des pays émergents et un dernier pour le soutien de l'investissement des entreprises nationales sur le plan local ou à l'étranger». Par ailleurs, l'Algérie pourrait se servir de cet argent pour «attirer les investisseurs étrangers et conclure des partenariats avec eux à travers l'intervention d'un fonds et non en les obligeant à prendre comme partenaires des entreprises publiques boiteuses», indique l'économiste. Pour l'heure, la priorité pour le gouvernement devrait être, comme l'a suggéré le FMI, «la poursuite des efforts pour améliorer la maîtrise et le ciblage des dépenses, y compris les salaires et les transferts sociaux» et le «contrôle de l'excès de liquidités et des pressions inflationnistes qui pourraient apparaître après les hausses importantes des salaires dans le secteur public». Pour le professeur Bouyahiaoui, «il faudra pour le gouvernement prendre des décisions sérieuses et décisives pour un plan de rigueur afin d'éviter les dérapages, en revoyant notamment la notion de subvention et en maîtrisant les importations, dont 25% à 30% s'apparentent à du gaspillage du fait qu'elles ne répondent pas à une demande de l'industrie et au système productif».