La diplomatie algérienne commence à adopter un discours intéressant sur le Maghreb. C'est du moins ce qui ressort des déclarations faites hier par le ministre des Affaires étrangères à la Chaîne III de la Radio algérienne. «Les mutations que nous avons constatées dans les pays arabes, au Maghreb, ne peuvent que nous encourager à aller plus et vite dans la construction de l'Union du Maghreb arabe», a estimé Mourad Medelci. Après un aveuglement qui a duré des semaines, Alger constate qu'il y a eu des «mutations» dans les pays arabes. Le mot est neutre pour ne pas qualifier le renversement de régimes dictatoriaux en Tunisie, en Egypte et en Libye. «Nous n'avons pas souhaité intervenir dans des débats qui concernent souverainement les Tunisiens, les Libyens et les Egyptiens. C'est un respect que nous devons à des frères qui partagent notre culture et notre religion», a justifié M. Medelci avant d'ajouter : «L'Algérie n'a pas fait exception à la règle. Il n'y a pas de pays arabe ou maghrébin qui ait exprimé des positions plus avancées sur ce qui s'est passé en Tunisie, en Libye ou ailleurs. Il se trouve que l'Algérie est toujours considérée comme le pays qui doit démarrer le premier et prendre les plus lourdes initiatives. L'Algérie a porté la voix de la sagesse.» Le chef de la diplomatie n'a dit que du bien de la Tunisie. L'hostilité passive née après la destitution de Zine El Abidine Ben Ali est visiblement oubliée. «Forte de ses acquis démocratiques et de ses institutions, la Tunisie donne l'exemple aujourd'hui d'un pays qui est en train de réussir sa mutation. Avec la Tunisie, nous avons des rapports excellents», a-t-il observé. La Tunisie a, en effet, élu une Assemblée constituante et désigné un Président, Moncef Marzouki, dans des élections les plus libres de toute l'histoire de la région arabe. Pour son premier voyage à l'extérieur après son élection, Moncef Marzouki a choisi la Libye et pas l'Algérie. Tout un symbole. A Tripoli, le président tunisien a appelé à redynamiser l'Union du Maghreb arabe (UMA) autour du «noyau» constitué par la Libye et la Tunisie. Au moment où Tunis braque son regard vers l'est, Alger veut relancer l'UMA en ne regardant nulle part. Les relations avec Tripoli demeurent toujours compliquées. Aucun haut responsable algérien n'a encore fait le déplacement en Libye pour reprendre langue avec les nouveaux dirigeants du pays et faire oublier le feuilleton des accusations mutuelles lors de la guerre contre les milices d'El Gueddafi. «J'ai échangé avec mon homologue libyen des lettres qui expriment, de part et d'autre, notre volonté d'aller de l'avant. Mais c'est un pays qui sort d'une épreuve extrêmement importante et qui est en train, courageusement, d'aller vers la mise en place d'institutions pérennes, capables de donner à l'ensemble des Libyens la possibilité de participer à leur devenir», a soutenu M. Medelci. Il faut, selon lui, encourager la tendance de mise en place d'institutions en Libye. «Nous ne manquerons pas d'apporter notre contribution chaque fois que nous serons sollicités», a-t-il dit. Sans plus. Qu'en est-il des frontières ? Elles ne sont pas fermées mais mieux sécurisée, selon Mourad Medelci. «Les derniers événements ont fait qu'il y a eu un risque de transfert d'armes et de populations. En attendant que les frères libyens se donnent la capacité de surveiller leur frontière, il était normal que nous fassions le travail du côté algérien», a-t-il expliqué. Avec une frontière semi-ouverte avec la Libye et une frontière fermée avec le Maroc, comment relancer l'Union du Maghreb ? «La fermeture de la frontière entre deux pays frères que sont l'Algérie et le Maroc n'a jamais été considérée comme une décision définitive», a rassuré le chef de la diplomatie algérienne. D'après lui, il existe un processus de rapprochement entre les deux Etats qui sera consolidé avec le nouveau gouvernement marocain. «Toutes ces évolutions travaillent à la normalisation des relations avec le Maroc à terme (…). L'action maghrébine est d'abord la cohérence entre les politiques économiques, commerciales, sociales. C'est cela, l'UMA. Ce n'est pas seulement une envie», a-t-il ajouté. Mourad Medelci a annoncé une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UMA, à Rabat, en février 2012. D'ici là, on verra…