Dans un entretien accordé à la Alger Chaîne III, le chef de la diplomatie algérienne, M. Mourad Medelci, a défendu les positions de l'Algérie sur la Libye, évacué les accusations de soutien militaire au régime de Kadhafi comme relevant d'agendas non libyens, nié l'existence d'une tension avec Paris, confirmé l'excellence des relations avec Washington Sur l'ouverture des frontières avec le Maroc, Medelci a refroidi certaines attentes: aucune date ne peut être annoncée. Respect de la souveraineté des pays et de leur unité, non-ingérence et respect des décisions de chaque peuple. C'est, a affirmé Mourad Medelci, le respect scrupuleux qui a conduit l'Algérie à réagir de la même manière à la situation en Tunisie, Egypte, Côte d'Ivoire, Bahreïn et la Libye. «Notre attitude a été la même dans chaque cas. Chacun des pays cités entretient avec l'Algérie la meilleure des relations». Le chef de la diplomatie algérienne admet que le principe de «non-ingérence» est battu en brèche et que des «écoles philosophico-politiques entretiennent des nouvelles démarches» donnant à la communauté internationale la possibilité d'intervenir pour protéger les peuples. Il reste, a-t-il souligné, que cette démarche, même si elle a été discutée au niveau de l'Onu, n'est pas partagée par tout le monde. Elle doit être en tout cas «strictement organisée par des décisions du Conseil de sécurité et quand elles sont prises, elles doivent être scrupuleusement respectées». Quant aux interférences politiques, le ministre algérien dit les refuser totalement. «L'Algérie se refuse d'émettre des opinions sur les affaires internes des autres et considèrera comme inamical que des opinions soient émises» sur ses affaires. Sur la Libye, M. Medelci a évoqué une situation «extrêmement compliquée» où des «Libyens se battent entre eux» et où d'autres parties œuvrent à ce que «la guerre s'intensifie ». Il considère que seule une solution politique peut résoudre le problème. «La solution politique, c'est celle qui est portée par l'Union africaine et c'est celle-là que l'Algérie est en train de défendre ». Selon lui, cette solution fait l'objet d'un consensus. «Nous ne perdons pas espoir, surtout si la communauté internationale joint ses efforts à ceux de l'UA, pour que la solution politique puisse s'imposer à tous comme étant la seule, parce que, au nom de la non-ingérence, il n'y pas une solution durable autre que celle portée par les Libyens eux-mêmes». Pas de tension avec la France S'agissant des accusations de soutien en armes et en mercenaires lancées en direction de l'Algérie par les insurgés du Conseil national de transition (CNT), Medelci a rappelé les démentis «clairs» des affaires étrangères. Pour lui, ces accusations sont basées sur «des agendas qui n'ont rien à voir avec l'affaire libyenne». Il a souligné que cette question n'était pas l'objet de la discussion avec M. Juppé et qu'elle n'a été évoquée «qu'incidemment». Il n'était pas question de donner des «explications» dans un entretien téléphonique qui a porté essentiellement sur les relations bilatérales entre les deux pays. «La discussion avec M. Juppé a porté essentiellement sur les relations bilatérales et nous avons observé qu'il y avait des avancées, en particulier sur le plan de la mise en place d'un partenariat industriel, à la fois ambitieux et équilibré». Il a noté également que l'entretien a eu lieu au moment où le ministre de l'Industrie, de la PME se trouvait en France pour parler de coopération industrielle. L'entretien a été «cordial» et M. Juppé «a lui-même considéré comme peu crédibles ce qu'il a qualifié de rumeurs lorsqu'il a désigné ces informations complètement farfelues et qui donnent l'Algérie comme une partie à ce conflit entre Libyens, alors que nous n'avons jamais eu à choisir une partie contre l'autre». M. Medelci a estimé qu'il n'existait pas de tension dans les relations algéro-françaises et qu'il y avait beaucoup d'intérêts communs. «Nous avons des approches différentes sur certaines questions mais nous n'avons pas de relations tendues». Pas de date pour l'ouverture des frontières avec le Maroc A propos de l'impact de la crise libyenne sur la situation sécuritaire, M. Medelci a souligné que l'Algérie a eu à gérer la situation en tenant compte de la qualité de la relation avec le pays voisin mais également du risque sécuritaire. Selon lui, la «déliquescence» observée dans ce pays et ses divisions rendaient ce risque sécuritaire réel. «Ce risque n'a pas été exagéré, on a plus que des certitudes que cela a des incidences sur la région». La situation libyenne a-t-elle un impact sur la situation sécuritaire algérienne marquée récemment par des attentats meurtriers ? M. Medelci ne l'affirme pas sans pour autant l'exclure. Il fait surtout un constat global que la «situation libyenne donne des ailes au terrorisme là où il se trouve, y compris en Algérie. Mais il n'y a pas de lien mécanique». M. Medelci s'est prononcé également sur la situation de plusieurs organisations régionales. L'UMA, a-t-il dit, «n'avance pas comme nous le souhaitons mais elle n'est pas bloquée. Elle enregistre des avancées qui ne sont pas négligeables». Il a révélé qu'après plusieurs années d'hésitation la Banque maghrébine du commerce et de l'investissement allait être opérationnelle cette année. «L'UMA avance elle pourrait avancer mieux si nous avions la même vision sur le Sahara». Il a relevé que le président Bouteflika a «passé un message», traduit en programme pour avoir des relations suivies avec le Maroc. Il reste que la Libye préside l'UMA et cela a un impact. Pour la réouverture des frontières, M. Medelci a estimé que cela n'a jamais été exclu. Mais il a, implicitement, démenti ceux qui l'annonçaient comme prochaine. «Nous œuvrons, a-t-il indiqué, à remettre sur le tapis la coopération sur les secteurs les plus sensibles naturelle - éducation, agriculture, énergie - et cette coopération sectorielle finira pas faire évoluer les choses pour donner aux relations entre les deux pays la qualité que l'on souhaite». Mais, a-t-il dit, «il serait aujourd'hui malhonnête de situer un jour dans le calendrier» pour l'ouverture de la frontière. M. Medelci a qualifié le cadre des 5+5 «d'intéressant» et que c'est pour le préserver que l'Algérie a suggéré aux Italiens de différer la réunion des ministres des Affaires étrangères de 5+5 et le sommet de Malte de juin. Il s'agit, a-t-il dit, «d'éviter que la situation libyenne ne vienne polluer le 5+5». Report du sommet de la Ligue arabe Quant à l'UPM (Union pour la Méditerranée), il a rappelé qu'elle a subi les contrecoups de l'attaque sur Ghaza. Cette UPM est «qu'on le veuille ou non une autre façon de lier le sud de la Méditerranée et l'Europe». Il note que l'Europe est en train de revoir, sur le plan informel, les conditions d'une évolution future de sa relation avec les pays de la rive sud. «L'Europe a pris une direction intéressante, on attend d'en savoir davantage». Il estime que les pays du Maghreb doivent «prendre plus de place dans la confection des programmes et des stratégies». La Ligue arabe se trouve dans une situation particulière avec des pays concernés par des «mutations systémiques». Certains ont bouclé cette phase, d'autres se trouvent dans une situation intermédiaire et les préoccupations internes ont tendance à l'emporter. De ce fait, la date du 11 mai pour le sommet de Baghdad pose des problèmes de pertinence au plan du calendrier. Il estime qu'il y a un consensus pour décaler ce sommet. L'Algérie, a-t-il dit, n'a pas de préférence pour les candidats au poste de SG et ne soutient pas un candidat contre un autre et souhaite un «consensus» sur le sujet. Pour les relations avec l'UE, il a estimé qu'un «ajustement» était nécessaire et qu'un accord était en vue sur le report du démantèlement tarifaire. Les relations avec les Etats-Unis sont «suivies et évoluent normalement». Il considère que le dernier rapport du département d'Etat sur les droits de l'homme en Algérie n'est pas plus critique cette année que celui de l'année dernière et qu'il comporte des avancées.