Le nouveau projet de loi relatif à la wilaya, en débat depuis hier à l'APN, a été critiqué par plusieurs députés de différentes formations politiques. En dépit de certains réaménagements apportés à l'ancien code institué dans les années 1990, le nouveau texte juridique comporte des articles favorisant l'autorité désignée sur l'autorité élue. C'est un texte, selon eux, qui limite les prérogatives de l'élu et donne de larges privilèges aux représentants de l'Etat, notamment aux walis. Ali Brahimi, député dissident du RCD, a estimé que ce projet de loi «n'est qu'une réécriture de l'ancien code de wilaya, car il reconduit les prééminences de l'autorité désignée sur l'autorité élue». De son avis, la centralisation des pouvoirs et des ressources est toujours entre les mains du pouvoir central alors que la centralisation des prérogatives est déléguée au wali. «Que reste-t-il donc à l'Assemblée populaire de wilaya ? Celle-ci est reléguée au rôle de faire-valoir honorifique.» M. Brahimi propose, pour ce projet, 36 amendements allant dans le sens d'engager la responsabilité du wali devant les élus jusqu'à la démission et aussi de consacrer le pouvoir des élus sur la gestion économique, sociale et culturelle de la wilaya. Beaucoup de députés ont remis sur le tapis l'épineuse question du découpage administratif. Un élu du MSP a rappelé au gouvernement que sa promesse concernant le découpage administratif, ressassée à maintes reprises, tarde à voir le jour. Il est aberrant, explique-t-il, qu'une wilaya pauvre n'ayant pas de ressources financières bénéficie du même budget qu'une autre région riche. Les parlementaires ont dénoncé l'élargissement des compétences des walis. Mme Messadi, du FLN, a affiché des craintes concernant l'application du texte et l'interprétation des missions accordées aux walis en leur qualité de représentants de l'Etat et aux élus membres de l'APW. Elles peuvent, selon elle, conduire l'administration à accaparer tous les pouvoirs. Une députée du même parti a relevé que dans le texte, le wali a plus de 200 prérogatives. «Le wali est-il un superman pour pouvoir accomplir mille et une missions ?», s'est-elle interrogée. M. Taâzibt du PT, même s'il constate une nette amélioration par rapport à l'ancien code de wilaya, regrette l'absence de rupture avec l'ancien système qui fait de l'élu quelqu'un de mineur. Le wali a toujours la mainmise sur les dossiers importants, alors que l'APW n'est qu'un ordonnateur et reste seulement un organe de délibération : «Certes, nous ne nions pas que le texte donne un peu de prérogatives aux élus mais les moyens ne suivent pas. La non dotation de l'APW d'un budget spécial freine ses actions et bloque toute initiative visant à améliorer la gestion de la wilaya», déplore un député du PT, qui réclame que les élus aient un rôle plus important dans la gestion du budget sectoriel et propose des amendements visant à mettre fin à l'utilisation de l'argent pour atteindre des objectifs politiques. Certains députés ayant demandé l'annulation de l'article 66 portant sur le retrait de confiance au président d'APW revendiquent en contrepartie la mise de garde-fous pour empêcher ces mêmes présidents d'APW de faire la loi durant leur mandat de cinq ans. Mais cette tâche est du ressort des partis politiques ! Pour certains députés, la décentralisation ne devrait pas rester un simple slogan. Pour sa part, le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, a récusé les critiques des députés, estimant que le texte prévoit le renforcement et l'élargissement de l'APW afin d'en faire une force de proposition et de participation à la prise en charge des préoccupations communes de la population de la wilaya. Notons que le débat autour de ce projet se poursuivra aujourd'hui et le vote est prévu dans quelques jours.