D'aspect plus avenant que la plupart de ceux qu'occupent des familles sinistrées du séisme du 21 mai 2003, les chalets du site Ali Ammar 15 de Bordj El Kiffan ont malgré tout leur lot de problèmes. Ils sont occupés depuis plus de deux ans par des familles originaires pour la plupart d'Alger-Centre et de ses environs. Celles-ci appréhendent le jour de leur relogement qui semble, à se fier à leurs dires, être toujours différé. Le problème récurent auquel elles font face « dans l'immédiat » a trait à l'exiguïté de leur chalet. « On cohabite comme on peut. Y en a même qui ont aménagé des baraquements de bric et de broc tellement les chalets ne peuvent contenir, au plus, que deux familles. La mienne s'est trouvée agrandie avec le mariage de mon frère », dira ce jeune père qui occupe un chalet avec sa famille, celle du nouveau marié ainsi que la marmaille du père. En tout 15 personnes. C'est le cas également des Kouissi, sinistrés du séisme - appellation qu'ils récusent - de la cité Mahieddine : « Il est inacceptable qu'une famille de 13 membres soit "empaquetées" dans un seul chalet, et ce, depuis plus de 2 ans », lancera le père. « Nous sommes dans l'attente de notre probable recasement. Nous avons fait plus de trois recours auprès des services de la wilaya déléguée. Le wali délégué de Sidi M'hamed nous a fait des promesses », ajoute notre vis-à-vis. Autres griefs et non des moindres, la distance qui les sépare de leur lieu de travail s'ils en ont un. « Nous ne revenons que le soir. Ma sœur est étudiante à la faculté de droit de Ben Aknoun et nous attendons toujours son retour avec la peur au ventre », tonne ce jeune, qui a travaillé deux ans à l'Epic NetCom à Hussein Dey avant de remettre le tablier en raison, soutient-il, de la maigre paye qu'on daigne lui donner. « Elle se volatilise avec les seuls frais du transport », renchérit notre interlocuteur. Idem pour la sécurité dans le site : « Nous craignons la venue même du vendeur de sardine, sa seule présence nous intrigue », plaisante-il. « D'ailleurs, personne ne doit quitter son chalet la journée sans laisser un membre de sa famille pour guetter de probables mouvements suspects. Une femme l'a appris à ses dépens, de retour du dispensaire, on lui a volés 4 portables, une somme de 80 millions de centimes et des bijoux », révèle-t-il, en signalant que des délinquants du quartier de la Rassota rôdent autour des chalets. En effet, l'un des chalets inoccupés se transforme, à la nuit tombée, susurre-t-on, en « diki » avec tout ce que cela engendre comme désagréments. « On a reçu des promesses du groupement de la gendarmerie, mais la situation n'a guère changé ». De plus, des constructions illicites faites de zinc et de parpaing « se sont greffées » au site, comme pour compliquer davantage le vécu des occupants. « Les baraquements servaient pour des activités malsaines. Ce n'est qu'après avoir fait tout un tapage qu'une proxénète connue dans la région a déguerpi », indique-t-on. Le chalet, portant le numéro 6, juste à l'entrée du site qui devait être celui du bureau de gestion, est fermé à double tour. Pas âme qui vive. « Les gens viennent la matinée pointer sans que l'on puisse les revoir la journée durant », s'indigne-t-on Par ailleurs, l'OPGI auquel revient la gestion des chalets n'impose pas un loyer aux sinistrés à l'opposé de ceux occupés par les cas « sociaux » auxquels on exige une somme modique. Toutefois, les commodités restent insignifiantes ou presque. « On paye l'électricité et nous subissons à l'instar des citoyens de la commune de Bordj El Kiffan les coupures qui sont fréquentes. » L'assainissement, lui, a été refait avec les frais des occupants « sans que personne nous aide. Et dire que les autorités nous prennent pour de vulgaires clochards et nous désignent toujours sous le qualificatif de ness échaliet », s'indigne-t-on Rumeur quand tu nous tiens... La tension est montée d'un cran chez les occupants. Raison : un probable relogement que leur « font miroiter » certaines personnes. Qui sont-elles ? Motus, bouche cousue ! La rumeur court. Et avec elle, augmentent l'angoisse et l'appréhension des résidants. Notre présence n'a pas manqué, d'ailleurs, de susciter un certain mouvement dans le « camp ». Ainsi, l'« étranger » est-il toujours épié et suivi au pas. Les promesses, les occupants des chalets en ont eu... depuis leur installation. « Des rumeurs circulent sur la confection de listes de bénéficiaires et des sites d'affectation. Les on-dit enflent et cela n'arrange pas les choses », dira une dame. A en croire les résidants, qui ne mâchent pas leurs mots, leur devenir est « déjà scellé ». « On ne peut accepter un tel sort. Le favoritisme semble être la règle, puisque nous entendons dire que les sites ont été choisis à la tête du client. » « Les accointances sont de mise, surtout pour celles qui travaillent dans les administrations publiques. Nous ne resterons pas de marbre. Notre évacuation promet d'être houleuse. » « Les gens qui ont été évacués par les forces publiques sont, à se fier aux rumeurs, mieux lotis que nous qui ont obtempéré. On dit que nous serons affectés à Dergana, ce qui n'arrangera pas l'affaire de mon mari et de mes enfants qui rentrent de l'école à 18 h passées. Déjà que ce n'est pas la joie, que dire alors si on nous emmène loin du centre-ville », se lamente la même dame. « Les gens sont gloutons et n'acceptent pas ce qu'on leur offre. Nous sommes d'éternels insatisfaits », affirme ce fonctionnaire, qui occupe un chalet avec sa femme et ses quatre enfants. Il avoue que « dans le temps » il était propriétaire d'« une villa de 200 m2 » et d'une garde-robe qui « ferait pâlir plus d'un ». Le silence comme mode de gestion. Pas moins de 7050 familles sinistrées occupent, faut-il le rappeler, plus de 7000 chalets et sont réparties sur 26 sites. Les plus importants sont ceux des communes de Heuraoua et de Réghaïa, particulièrement touchées de plein fouet par le séisme du 21 mai 2003, nous a affirmé M. Chahloul, responsable de la gestion immobilière à l'OPGI de Hussein Dey. D'aucuns se rappellent la fièvre qui s'est emparée des services des collectivités locales. La vox populi a relayé, en ces temps-là, les rumeurs de chalets qui « s'échangeaient » sous le manteau sans que ces personnes indélicates soient gênées du seul fait qu'elles soient parées de « l'immunité locale ». Sur de probables « transactions » ayant entouré la distribution des chalets, il soutiendra que trois enquêtes administratives ont été diligentées, mais elle n'ont pas révélé « une quelconque transaction illégale ». « On ne peut aucunement vendre ou louer des chalets. Nous veillons au grain. D'ailleurs des antennes de l'Office sont installées dans chaque site », s'est-il contenté de relever. Concernant les occupations illégales des chalets inoccupés, signalées périodiquement à l'exemple de ceux de Bordj El Bahri. « La force publique sévira le cas échant ». S'agissant de leur devenir, il déclara ne pas en avoir eu vent. « Les autorités compétentes décideront, dira-t-il, de leur utilité au lendemain de leur évacuation. » Du côté des autorités wilayales, c'est silence radio. On reste évasif et on se complaît dans un mutisme qui en dit long sur l'à-peu-près avec lequel est géré ce « dossier » pour le moins explosif. M. Boudina, chargé de communication à la wilaya d'Alger, avance que des « programmes ambitieux seront lancés dans les prochains jours ». A cet effet, des commissions « regroupant toutes les parties concernées » sont en train de se concerter. Le directeur du logement était, de son côté, injoignable. A en croire sa secrétaire, il serait « en tournée ». Quelque 5000 logements devaient être livrés à la fin de l'année dernière. Et d'autres livraisons sont prévues pour cette année.