A quatre mois de l'élection présidentielle, 68% des Français jugent Marine Le Pen «plus crédible» que son père l Jamais la menace du Front national n'a semblé aussi forte. Paris. De notre correspondante
Dans un sondage publié hier par Libération, 30% des personnes interrogées envisageraient de voter pour Marine Le Pen, au premier tour de l'élection présidentielle. Un score fort qui place la candidate frontiste, plus que jamais au cœur de la campagne, alors que 15% des Français souhaitent la victoire de Marine Le Pen à la présidentielle. L'enquête Viavoice pour Libération atteste de l'ampleur du phénomène. Plus qu'un simple mouvement protestataire, le parti d'extrême droite et sa candidate sont devenus, selon François Miquet-Marty, directeur de Viavoice, qui analyse ce sondage, «une force d'entraînement d'un système d'opinion, un effet tourbillon». Selon un autre sondage réalisé par l'IFOP pour le Journal du Dimanche, la candidate du Front national recueillerait 19% des intentions de vote. Marine Le Pen, qui poursuit sa pêche aux voix, a donné son premier grand meeting de campagne, dimanche, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Après les classes populaires, elle vise «les classes moyennes, victimes du descendeur social». «Semaine après semaine, la crise économique, financière et sociale creuse des sillons dans lesquels l'extrême droite dépose ses graines nauséabondes, en attendant le printemps électoral », relève l'éditorialiste de Libération qui explique que le premier grand sondage de l'année de ce quotidien consacré au Front national n'est pas dû au hasard. «C'est un enseignement de l'histoire. C'est l'actualité de ce début de campagne. Janvier est donc bien le mois du retour à la réalité pour François Hollande : Nicolas Sarkozy est loin d'être battu, et Marine Le Pen solidement implantée dans le paysage», ajoute-t-il. «Comme tous les candidats de gauche, mais lui davantage que les autres compte tenu de son statut de favori, il se doit non pas d'agiter le danger FN comme un chiffon rouge, mais de contrer pied à pied les propositions économiques et sociales démagogiques de l'extrême droite.» «Le danger Le Pen impose aussi à Hollande d'écarter, si cette tentation existe, la stratégie de l'esquive. Sarkozy, lui, en promettant beaucoup, mais en obtenant peu, en brandissant son volontarisme comme la clé de tous les problèmes du monde, en disant à Toulon le contraire de ce qu'il pouvait faire à Berlin, a arrosé depuis cinq ans les graines frontistes. Il devrait avoir la décence de ne pas instrumentaliser dans les cent jours avant le premier tour les thématiques de la sécurité ou de l'immigration sous le nez des déçus du sarkozysme.» Le PS face à l'impératif de la reconquête de l'électorat populaire Pour le porte-parole du PS, Benoît Hamon, l'hypothèse d'une présence de Marine Le Pen le 6 mai «n'est pas du tout farfelue». Invité dimanche du «Grand jury RTL-Le Figaro-LCI», Benoît Hamon a estimé que le Front national est «beaucoup plus haut que ce qu'en disent les sondages», et que sa candidate, Marine Le Pen, «peut monter jusqu'à 20 points aujourd'hui». «Beaucoup de Français doutent de l'utilité du bulletin de vote, a-t-il regretté, et des centaines de milliers de nos compatriotes peuvent avoir envie de donner un grand coup de pied dans la fourmilière.» D'où l'objectif pour le parti socialiste de «parler à cet électorat et l'inciter à voter à gauche.» Reconquérir l'électorat populaire séduit par le discours de Marine Le Pen est un impératif pour le candidat socialiste. Y parviendra-t-il ? Selon le sondage de l'IFOP pour le JDD, le candidat socialiste, François Hollande, est toujours en tête avec 28% des suffrages au premier tour, talonné par Nicolas Sarkozy (qui n'a toujours pas déclaré officiellement sa candidature) avec 26% des voix. Au second tour, François Hollande l'emporterait avec un score de 54% contre 46% pour Nicolas Sarkozy. Marine Le Pen reste à la troisième place du premier tour avec 19% des intentions de vote (-1). Elle devance François Bayrou (12%, +1). Marine Le Pen atteint dans les sondages un niveau auquel son père n'était jamais parvenu. La présidente du Front national est considérée comme une concurrente redoutable dans le monde des ouvriers et employés qui représentent un tiers de l'électorat. Qu'est-ce qui explique sa percée parmi l'électorat populaire ? «La seule qui parle de leurs problèmes, c'est elle», affirme le politologue Jérôme Fourquet, auteur avec le sociologue Alain Mergier d'une «Enquête sur les ressorts du vote FN en milieux populaires» (Fondation Jean Jaurès). Continuera-t-elle à grimper dans les sondages ou a-t-elle atteint le plafond de sa popularité comme le laisse entrevoir le sondage de l'IFOP pour le JDD ?