C'est dans l'extrême nord-est de l'Algérie que l'on trouve les zones humides les plus connues du pays : les lacs d'El Kala (El Tarf) comme on les appelle couramment. Le Mellah (860 ha), l'Oubeïra (2500 ha) et à moindre degré le Tonga (2500 ha) sont des zones humides qui offrent un spectacle peu commun sous nos latitudes. Au plus fort de la saison chaude, on peut voir scintiller leurs plans d'eau qui frémissent sous la brise. Ils rafraîchissent et ravissent le visiteur en route vers la petite ville côtière d'El Kala, également réputée pour son corail et ses plages. Ces trois sites, très différents, sont en réalité et respectivement une lagune, un étang et un marécage. Sur les 26 zones humides algériennes classées, 6 se trouvent dans la région d'El Kala-Annaba, c'est-à-dire dans la wilaya d'El Tarf. Mais en réalité leur nombre, si l'on s'en tient à la définition énoncée par la convention de Ramsar, est de plus d'une soixantaine. Les zones humides d'El Tarf sont menacées à terme de disparition et avec elles tous les bienfaits qu'elles procurent : épuration des eaux, recharge des nappes, élimination des substances nutritives, productivité végétale et animale, zones d'alevinage pour la pêche hauturière, tourisme... et contrairement à l'idée répandue chez les agriculteurs de la région, la prévention des inondations. Aujourd'hui, la qualité et la quantité des eaux qui entretiennent ces milieux sont fortement affectées. Des projets hydrauliques avec la réalisation de 5 barrages sur les affluents de l'Oued Kébir qui est l'axe nourricier hydrologique commun, avec la mise en œuvre de projet hydro-agricole pour assainir « les plaines inondables » rendues responsables du déclin d'une agriculture où cependant les concessions ne trouvent pas preneur et où la jachère est en continuelle extension, avec une intensification de l'exploitation des nappes, font planer une lourde menace sur les volumes d'eau qui s'écoulent naturellement des eaux vers les zones humides. C'est généralement le fait des pouvoirs publics. Pour leur part, les activités des populations implantées le long ou autour des zones humides, notamment celles qui altèrent la qualité des sols par le défrichement de la couverture végétale naturelle. Les extensions des parcelles agricoles qui par la même occasion accroissent les prises d'eau dans les oueds qui alimentent les zones humides, comme c'est le cas pour le Mellah et le Tonga, les incendies de forêt pour le pâturage, les amendements par les engrais et de plus en plus par la pollution d'origine domestique et le rejet systématique des eaux usées provenant des agglomérations à proximité comme c'est le cas pour le lac des oiseaux fleuron des zones humides inscrites et citées comme modèle didactique. Les zones éparses qui se multiplient anarchiquement autour des zones humides, en plus de tous les effets ravageurs qu'elles peuvent entraîner sur la qualité des eaux, obèrent dangereusement les potentialités touristiques et culturelles que procure l'esthétique des zones humides et leurs bassins versants. La création d'une nationale à El Kala, voilà maintenant un quart de siècle où l'Etat a pris des mesures pour donner l'avantage à la conservation d'un patrimoine inestimable n'a pas apporté la protection suffisante pour ce faire. L'esprit des lois promulguées dans ce sens était de favoriser la conservation et spécialement celles des zones humides lorsque des choix étaient à faire sur cette infime partie du territoire national. C'est tout le contraire qui s'est produit, le plus souvent inutilement et de manière insensée, pour des objectifs sans lendemain.