L'abstention, qui a caractérisé les dernières élections et dont le spectre plane sur les prochaines législatives, hante l'esprit des autorités. Comment crédibiliser l'échéance électorale de mai 2012 qui, visiblement, suscite beaucoup d'inquiétude ? Habitués à voir leurs voix détournées, les Algériens ont souvent fait le dur choix de déserter l'urne. Ce sera donc difficile de les convaincre. Et ce sera aussi difficile pour eux de croire… quelqu'un qui a l'habitude de mentir. Les rapports entre les gouvernants et les gouvernés sont arrivés à ce stade de méfiance. L'ancien ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, est allé, il y a plus de quatre ans, jusqu'à menacer d'effacer les abstentionnistes du fichier électoral. Ceux qui n'avaient pas voté lors des élections législatives de 2007 ont été sommés alors de s'expliquer par courrier. Le procédé était jugé inopportun et même grossier. Tout le monde sait que ce sont les fraudes qui ont entaché les différents scrutins dans le pays qui ont fini par éloigner les électeurs des urnes. Mieux, l'abstention est devenue au fil des ans une expression politique de rejet du régime en général et particulièrement de la fraude électorale érigée en système. Les Algériens semblent avoir gagné la partie, le pouvoir ne pouvait pas tricher indéfiniment. Le président Bouteflika lui-même a avoué dernièrement que «nous avons connu des élections à la Naegelen». Son ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, en a rajouté une couche en essayant d'expliquer, il y a trois jours, les causes des faibles taux de participation enregistrés lors des dernières élections. Il a fourni deux raisons. La plus juste est évidemment l'inquiétude des Algériens de voir le bulletin glissé dans l'urne prendre une autre destination que celle choisie initialement. La fraude électorale, qui a influé négativement sur les taux de participation aux élections, est désormais reconnue officiellement. «Faute avouée est à moitié pardonnée» ? Visiblement, c'est ce qui est recherché par ces aveux en série. Mais le mea-culpa du régime, qui s'apparente à un appel du pied aux électeurs, suscite néanmoins des craintes de récidive. Deux partis politiques, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et le Front national algérien (FNA) alertent déjà sur l'existence d'un plan de fraude en dénonçant notamment l'augmentation du nombre d'électeurs de 4 millions annoncé récemment par le ministre de l'Intérieur. Cédera-t-on alors à la tentation de fraude dans un contexte régional et une conjoncture internationale qui imposent le respect de la souveraineté populaire comme c'est le cas chez nos voisins tunisiens et marocains ? Il est encore trop tôt d'anticiper la réponse. L'une des remarques qui méritent d'être relevées : l'inhabituelle agitation du gouvernement qui a amorcé une véritable offensive à l'adresse des électeurs afin de les faire départir de leur attitude abstentionniste. Un véritable plan de communication est mis en place pour convaincre que leur choix sera bel et bien respecté : urnes transparentes, acceptation d'une surveillance internationale dont on ne connaît pas encore les contours… Au plan politique, on brandit la menace d'un raz-de-marée islamiste si jamais les Algériens décidaient de rester chez eux le jour du vote. L'autre hantise est bien évidemment la caution internationale. Seulement, les précédentes expériences ont démontré que les garanties fournies jusqu'alors manquent de cohérence et ne suffisent pas pour gagner la confiance de l'électorat. Les citoyens peuvent légitimement nourrir des craintes de voir le naturel revenir au galop.