Le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) et Premier ministre Ahmed Ouyahia a failli à sa mission de défendre les intérêts du pays, au grand dam de l'histoire algérienne et de ses martyrs. Scandale ! Un sentiment partagé par les Algériens qui s'attendaient à une réaction plus «souveraine» ou pour le moins un silence confortable lui évitant ainsi une turpitude diplomatique de taille. «Ahmed Ouyahia est un responsable d'un simple parti politique, il ne représente pas le peuple algérien. Sa déclaration suite à la polémique franco-turque n'engage que sa propre personne», s'indigne Abdelhamid Salakdji, président de la Fondation du 8 Mai 1945. En se démarquant de la position du Premier ministre, Salakdji déplore le manque de «patriotisme chez les gouvernants algériens, faisant fi de la Constitution qui stipule le respect des martyrs de la Révolution algérienne», rappelle-t-il. Samedi dernier, Ahmed Ouyahia a sorti ses griffes contre le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, l'accusant de faire «du sang des martyrs algériens un fonds de commerce». La raison ? Son homologue turc a accusé la France d'avoir perpétré un génocide en Algérie, en réponse à l'adoption par le Parlement français d'un projet de loi criminalisant la négation du génocide arménien. «Le génocide turc est condamnable, certes, mais il ne faut pas faire dans les deux poids deux mesures et balayer les atrocités commises par le colonialisme français en Algérie. La meilleure façon de préserver l'histoire pour les générations à venir serait d'adopter le projet de loi criminalisant le colonialisme français en Algérie, présenté par un groupe de députés algériens», estime le président de la Fondation. Le révisionnisme ne date pas d'hier Même son de cloche chez l'historien Mohamed El Korso qui qualifie la sortie médiatique du SG du RND «de pain béni pour ceux qui s'apprêtent à prendre le pouvoir». Pour comprendre cette dérive, selon l'historien, «il faudrait s'inscrire dans le long cours du révisionnisme rompant en Algérie dont les signes les plus révélateurs est la suppression, du temps de Chadli Bendjedid, des couplets de Kassamane (ndlr : hymne national) criminalisant le colonialisme français et la mise au placard du projet de loi criminalisant le colonialisme français en Algérie», regrette-il. N'ayant pas vu le jour, la loi en question reste en travers de la gorge de nombreux d'Algériens qui, espéraient, à travers elle, riposter à la loi française du 23 février 2005 portant reconnaissance du «rôle positif» de la colonisation. Contrairement à Abdelhamid Salakdji qui désengage le pouvoir algérien de la position d'Ahmed Ouyahia en attribuant sa réaction «au SG d'un simple parti politique» qu'il est, Mohamed El Korso reproche aux dirigeants d'avoir tourné le dos à l'histoire de l'Algérie anticoloniale. Il garde tout de même l'espoir de voir les pendules remises à l'heure en appelant le premier magistrat du pays à «trancher en rendant, dans les faits, à l'Algérie son histoire». Un monument en mémoire du génocide des Algériens à Ankara Connu pour son imprévisibilité, le maire d'Ankara, Melih Gökçek, ne se montre pas tendre envers la France comme s'il guettait le moindre faux pas de la part de Sarkozy. En réponse au vote par le Parlement français de la proposition de loi punissant la négation du génocide des Arméniens commis par les Turcs, le maire AKP de la capitale turque a fait part de son intention d'ériger un monument en mémoire du génocide des Algériens à l'avenue de Paris, où se trouve l'ambassade de France. Cette rue pourrait être rebaptisée avenue d'Algérie. Et comme pour effacer toute trace française dans sa ville, Melih Gökçek envisage d'attribuer à l'avenue Degol (de Gaulle) le nom d'un héros national algérien.