Qu'il y ait une réforme de l'enseignement des écoles des Beaux-arts pour améliorer la situation de leur «culture», voilà une opportunité à laquelle on ne peut qu'adhérer. Il ne s'agit pas de dénoncer un concept qui suppose une nouvelle réglementation dans l'agencement du savoir et des connaissances dans les établissements où ont pratiqué de grands artistes et maîtres-artisans algériens, souvent sans aucune connaissance des préceptes formateurs. Ainsi, même s'ils ont dispensé certaines spécialités stylistiques, ils souffraient, non seulement des moyens financiers et matériels réduits, mais aussi d'une insuffisance cruciale en pédagogie. Parce que la transmutation du monde des arts plastiques a tellement évolué avec l'imagination et la technologie moderne, parce que les sciences de l'art réclament plus d'existence et d'espace dans les canevas éducatifs et parce que la tangibilité des écoles d'art est devenue tellement appropriée au développement socioculturel, il semble convenable de réclamer plus d' «intelligentsia» dans l'élaboration de programmes. Cette question de réforme de l'enseignement artistique en Algérie n'interpelle-t-elle pas la problématique d'équilibre entre les arts conformistes de tradition et la compréhension de dépendances vis-à-vis de la mondialisation de l'art ? Il est probable que la réussite d'un «management» culturel réside, non au niveau des matières à enseigner par ses formes de connaissances, ni au niveau des méthodes ou des savoir-faire, mais vraisemblablement dans l'incitation des «effets» discursifs de convergences avec des objectifs assignés à une réforme ou d'autres mutations, afin d'obtenir des résultats concrets – éthiques et esthétiques – et une mise en perspective d'essor de la personnalité artistique maghrébine. Le but n'est plus de négocier des prouesses dans le domaine de l'animation artistique mais plutôt d'améliorer les phases de développement à enjeu culturel, par une meilleure capacité des étudiants du point de vue des aptitudes d'observation et d'assimilation des nouveaux phénomènes d'apparence ainsi que de meilleures dispositions à une présence artistique apte aux manifestations culturelles internationales. A la pensée d'une réforme de l'enseignement artistique, en plus du référent des jumelages des écoles, plusieurs domaines didactiques devraient être réellement pris en considération, ceux-ci relevant de l'art moderne comme de la psychologie, de l'esthétique, des sciences des arts et de l'étude des civilisations. Les écoles des Beaux-arts en Algérie doivent s'y atteler dès maintenant, en tenant compte dans leurs finalités pédagogiques des réalités compétitives de l'économie de marché et du marché de l'art. Se contenter de concevoir l'enseignement comme une éducation artistique locale, propre aux représentations destinées aux animations culturelles, reste trop aléatoire pour un pays qui se trouve pleinement à la croisée des cultures méditerranéennes. L'art est un champ mondial qui ne peut obéir qu'au développement créatif, loin de toute emprise géographique spéculative. L'école doit préparer le XXIe siècle avec de nouveaux paramètres didactiques, non pas en vue d'une professionnalisation artisanale, telle que dispensée dans les centres de formations spécialisés, mais pour un enseignement qui s'imprègne des tendances socioculturelles et socioprofessionnelles actuelles. Le bilan stérile des débouchés avec le nombre croissant des «désorientés» des Beaux-arts ne peut que nous interpeller sur l'existence d'une réelle prise de conscience du devenir des étudiants en arts plastiques. Il ne servirait à rien de nier l'inquiétude et le malaise des sortants des écoles d'arts, relevant non pas de leur incapacité technique, mais plutôt de la période de détermination qualificative face à la réalité frustrante du terrain socioprofessionnel. Si les difficultés de formation ont pu être gérées ou dépassées en phase scolaire, il en est autrement dans la période structurelle du praticien de l'art confronté à la réalité de la société et face aux incohérences urbaines et civilisationnelles. En ces temps présents, de plus en plus de jeunes se détournent de l'enseignement artistique, alors qu'auparavant, dans les années quatre-vingt-dix, on pouvait compter pour quarante places pédagogiques disponibles, plus de deux cents candidats potentiels. Aujourd'hui, même avec une assurance de réussite au concours d'entrée, les postulants se font rares. Si, aujourd'hui, ils disent préférer la garantie d'un métier d'avenir plutôt que de suivre un cheminement artistique aléatoire et totalement étranger à leur corpus socioculturel, c'est sans doute à l'échelon national que cette réalité formelle doit être analysée. Les diverses rencontres pédagogiques n'ont jusque-là pas prêté grande attention à cette dimension. Aujourd'hui, il n'est pas mensonger d'affirmer que nos jeunes sont intelligents, fortement autodidactes et qu'ils ont beaucoup de dispositions créatives à prouver à la corporation, y compris aux maîtres professionnels de l'art. A quoi servent les écoles des Beaux-arts ? Cette question, à la fois candide et provocatrice, ne peut que nous interpeller sur la mission de ces établissements. Dans le dispositif général de formation, mais également dans la société, quelle doit-être leur véritable nature ? Ethnographique, artistique, pédagogique ou culturelle ? Ce questionnement, auquel les décideurs ont été sûrement confrontés, reste toujours d'actualité à l'heure où les artistes confirmés n'arrêtent pas de dénoncer des disciplines trop naïves et passéistes dans le contexte international. Même si les conditions culturelles ethnographiques de la société algérienne mettent les écoles d'art dans une situation inconfortable, une autre approche de réflexivité dans la réforme peut se révéler très productive pour la population estudiantine future. La vocation du système pédagogique des Beaux-arts ne peut s'établir que sur l'ouverture des connaissances avoisinantes des sciences humaines, sociales et urbaines. Cette mission de l'enseignement artistique, qui n'est pas du ressort des sciences exactes, cela va de soi, est de réapprendre, avec les mondialisations, à comprendre, à écouter, à discuter des nouveaux interstices en arts plastiques et visuels. Il s'agit en l'occurrence de mieux s'intégrer dans la critique constructive, au delà des ringardes maîtrises du chef d'atelier. Il n'appartient plus à celui-ci d'être le maître savant, donneur de leçon. Cependant, il peut intégrer les pensées conceptuelles initiatrices des arts nouveaux qui stipulent, par exemple, que «chacun de nous a une aptitude à créer», que «la création se fait par combinaison et réorganisation d'éléments existants et nouveaux» que «l'art fait largement appel à l'instinct et l'inconscient» et, ce faisant, devenir un prisme de réfraction de talents issus de cette école des Beaux-arts. En principe, celle-ci n'est qu'une institution d'approfondissement dans les arts du design et de la création. La disposition des programmes actuels souffre d'un anachronisme nostalgique qui n'est d'aucun secours dans l'ancrage aux nouvelles données du domaine de l'enseignement artistique. Il serait ainsi judicieux de proposer un comité des sages qui remplirait le rôle de synchronisation entre les assistants-formateurs qui, longtemps lovés dans la dichotomie artiste-professeur, ont évacué totalement l'esprit de critique dans l'accomplissement de leur tâches et dans la perspicacité du besoin des autres passerelles contemporaines culturelles nécessaires à leur champ d'action. Cependant, n'oublions pas que l'envie de la réussite est aussi un signe de performance… Mais là, on ne se situe plus dans le monde de l'enseignement, mais chez l'artiste lui-même !