La Commission nationale consultative des produits pharmaceutiques, mise sur pied pour suivre et améliorer la fourniture des produits pharmaceutiques dont la rupture dure encore, est amputée des principaux acteurs. Elle est constituée de représentants du ministère de la Santé, du Laboratoire national de contrôle, des LNCPP, de l'Institut Pasteur d'Algérie (IPA), de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), des représentants d'associations de malades, du Syndicat national des pharmaciens d'officine (Snapo), du SAIP et de l'association des distributeurs non encore agréée. Les prescripteurs, qui sont les médecins, représentés par des syndicats et l'Ordre national des médecins, l'Ordre des pharmaciens et la majorité des producteurs et des importateurs algériens réunis au sein de l'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (UNOP), n'y figurent pas. Pourquoi ? La question a été posée à ces acteurs de la scène médicale et de l'industrie pharmaceutique et les avis convergent. Ils crient à la discrimination et estiment que la gestion du médicament est l'affaire de tous. «Nous n'avons pas été invités à siéger à cette commission et parallèlement des dizaines de pharmacies sont installées (Bordj Bou Arréridj, Tipasa, El Bayadh, Sidi Bel Abbès), en violation de la réglementation en vigueur. Au-delà de sa légitimité, l'Ordre est la seule institution qui regroupe l'ensemble des 15 000 pharmaciens représentant toutes les catégories professionnelles (officine, industrie, distribution, hospitalier, hospitalo-universitaire et biologie médicale.) Cette représentativité lui permet de développer une expertise qui doit être mise à la disposition de la protection de la santé publique», a tenu à réagir le docteur Lotfi Benbahmed, président du conseil de l'Ordre des pharmaciens. Il estime que «la complexité et l'urgence de la problématique de la disponibilité du médicament doivent mobiliser toutes les compétences et doivent être prises en charge dans un cadre serein et transparent». Le docteur Bekkat Berkani Mohamed, président du Conseil de l'ordre des médecins, affirme également qu'aucune invitation ne leur a été adressée à cette réunion de nomination de la Commission nationale consultative des produits pharmaceutiques. Pour le docteur Bekkat, le médicament est un produit stratégique et appartient à tous les acteurs de la santé et aux malades. Il y a d'abord lieu de préciser que les prescripteurs, qui sont les médecins, sont les premiers concernés, les opérateurs de la pharmacie dans leur globalité (les pharmaciens, les grossistes, les distributeurs, etc.). «Le problème du médicament a cru devoir trouver sa solution dans l'application de la loi de 2008 portant création de l'Agence nationale du médicament tel qu'exigé par le Premier ministre. Nous attendons le décret d'application de cette loi par la mise en place de cet organise indépendant pour favorise l'émergence d'une vraie industrie pharmaceutique.» Le docteur Bekkat déplore que le Conseil de l'ordre des médecins, partenaire des pouvoirs publics en matière de conseil, de lois et de règlement et qui représente 60 000 prescripteurs potentiels, n'a jamais été représenté dans aucune structure conseillère ou de délibération, et ceci au manquement à ses missions. L'Union nationale des opérateurs de la pharmacie, qui représente 70% du marché national pharmaceutique, rappelle qu'elle n'avait pas été invitée à la première réunion d'annonce de la mise en place de cette commission. «Pour la seconde réunion, nous n'avons reçu l'invitation que la veille, à savoir le 9 janvier à 12h», précise Nabil Melah, président de l'UNOP et producteur national. «Néanmoins, poursuit-il, les membres du bureau ont décidé à l'unanimité de ne pas participer à cette commission pour trois raisons principales.» «Nous avons saisi à plusieurs reprises la tutelle, que ce soit pour améliorer l'environnement des industriels ou pour anticiper les ruptures, mais, malheureusement, nous n'avons jamais reçu de réponse écrite à nos nombreux courriers et les entraves persistent. Pire encore, certains de nos membres ont été stigmatisés, et en ont subi les conséquences, à l'exemple de notre précédent président, qui n'a jamais pu obtenir ses programmes pour l'année 2011», a-t-il révélé. Il signale également que son organisation a émis des propositions à la tutelle et «s'il y a vraiment une volonté de les prendre en charge, il suffit de lever les entraves citées dans nos correspondances», a-t-il ajouté. Il juge que cette commission n'est qu'un traitement symptomatique des problèmes. «Il y a lieu plutôt de passer au traitement étiologique, seul à même de régler les problèmes de fond et d'être dans une attitude de prévention, plutôt qu'une attitude de gestion de l'urgence ! Nous nous devons d'agir au lieu de réagir», fait-il remarquer avant de rappeler que l'UNOP avait déjà en 2008 proposé la mise en place d'un comité de veille afin d'anticiper les ruptures au lieu de les subir, «comme c'est le cas depuis de nombreuses années». M. Melah insiste sur l'instauration de la responsabilité pharmaceutique qui, aujourd'hui, est, selon lui, diluée pour les produits importés. A cela, il faudra ajouter, indique-t-il, la mise en place d'outils de contrôle qui permettront de veiller au respect de cette réglementation, car l'intérêt du patient algérien va au-delà des intérêts personnels de quiconque.