Depuis le retour du président Bouteflika de son séjour médical à Paris tout dans le comportement des chefs de partis de l'Alliance présidentielle incline à penser que quelque chose de fondamental a changé dans les relations politiques entre le FLN, le RND et le MSP et entre chacune de ces formations dans leurs relations filiales avec le président de la République. En revendiquant de plus en plus fort leur autonomie de réflexion et d'action par rapport à une alliance utilisée beaucoup plus comme parapluie et rampe de lancement pour des desseins partisans étroits que comme bras séculier au service de Bouteflika et de son programme tel que proclamé officiellement, les partis de l'Alliance présidentielle ont de fait rompu le contrat politique et moral qui les liait. S'il est politiquement sain et un signe de bonne santé démocratique que des partis engagés dans un projet politique commun incarné par le soutien au programme de Bouteflika aient sur certains dossiers et événements des différences d'appréciation, leurs chemins doivent toutefois impérativement converger vers les questions programmatiques de fond. Jusqu'à preuve du contraire, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia est à la tête de l'Exécutif pour mettre en œuvre le programme présidentiel. S'il ne le fait pas, pas assez ou mal, il appartient au président de le rappeler à l'ordre par les canaux organiques et par la voie institutionnelle. Toute attaque publique contre l'action du gouvernement par un membre de l'Alliance présidentielle dont les représentants sont aussi de facto partenaires dans la coalition gouvernementale équivaut à un acte de rébellion et de désobéissance politique à l'Exécutif et à travers lui au président de la République. Un affaiblissement de l'alliance minée par des dissensions internes de ses membres ne pourrait pas ne pas éclabousser Bouteflika en tant qu'autorité politique et morale de ce regroupement. A moins que dans leur prestation de serment le FLN, le RND et le MSP aient juré fidélité à l'Alliance présidentielle et pas à la coalition gouvernementale. C'est ce qui expliquerait alors l'attaque en règle par laquelle vient de s'illustrer M. Belkhadem à l'encontre du chef du gouvernement sur la question de l'augmentation des salaires dont il avait estimé contrairement au chef du gouvernement qu'elle était fondée et légitime. L'autre hypothèse qui pourrait expliquer cette cacophonie à laquelle l'on assiste depuis quelque temps au sein de l'alliance présidentielle est que cette situation pourrait être le résultat de luttes féroces pour le pouvoir, tout le pouvoir, entre ses différents membres. Logiquement des ministres sans portefeuilles comme Abdelaziz Belkhadem pour le FLN ou Bouguerra Soltani pour le MSP ne devraient pas avoir plus de pouvoir que les autres membres du gouvernement et autant de pouvoir sinon davantage encore que le chef du gouvernement lui-même. Mais il se trouve que ces deux chefs de partis sont confortés dans leur autorité par le statut privilégié dont ils jouissent non pas au sein de l'Exécutif où ils occupent des postes somme toute virtuels mais en tant que ministres d'Etat qui sont comptables beaucoup plus devant le président de la République que devant le chef du gouvernement, le premier plus que le second en sa qualité de représentant personnel du président de la République. A ce poste clé, au cœur du pouvoir, qui se veut l'œil et l'oreille de Bouteflika, Belkhadem est politiquement dans le premier carré des serviteurs de Bouteflika que ne l'est Ouyahia qui n'est lié à Bouteflika que par le lien tenu de l'Exécutif qui est comme tout le monde le sait une matière première qui se consomme et se consume au gré des alliances et des mésalliances. De plus, le fait que Belkhadem appartienne à la même famille politique que Bouteflika - on a tendance souvent à oublier que Bouteflika est le président d'honneur du FLN - lui donne un avantage certain sur Ouyahia qui est à la tête d'un parti qui roule officiellement pour le président de la République dans le cadre de l'alliance présidentielle mais aussi (surtout ?) pour son compte personnel et celui de son propre parti. Et lorsque viendra la décantation politique, le moment de faire les grands choix politiques, chacun reprendra ses billes, Dieu reconnaîtra les siens. Et si l'échange d'amabilités auquel se livrent pour le moment les chefs de partis de l'Alliance présidentielle se transforme en guerre ouverte qui menacerait la cohésion de l'Alliance présidentielle et que Bouteflika doive être amené à arbitrer cette guerre des chefs de partis, on sait dans quel sens son cœur balancera. Cette analyse n'est valable bien évidemment que dans la mesure où Bouteflika est encore maître du jeu politique et institutionnel dans le pays. Sa maladie et sa convalescence qui semble prendre plus de temps que prévu comme l'atteste la baisse de ses activités officielles incitent les observateurs de la scène nationale à se lancer dans d'autres grilles de lectures.