Dans le monde musulman, c'est la colère. Les douze caricatures portant sur le Prophète Mohamed (QSSSL), dénaturant d'une manière outrancière l'Islam, ont mis le feu aux poudres et ont déchaîné les passions entre l'Europe et le monde musulman. Les Etats-Unis, dont l'image est très mauvaise chez les musulmans, tirent profit de cette crise en jugeant « pas acceptable » la publication de ces caricatures. Faut-il les interdire pour autant ? Le débat fait rage et l'on crie à la censure et à la menace sur une liberté essentielle, qui fonde la vie publique en Europe. Les craintes des Européens peuvent paraître légitimes, au regard de ce que ces sociétés ont arraché, tant au plan des libertés qu'au plan politique (la religion est confinée au domaine privé, laïcité...) Mais est-ce de la liberté de création et d'expression que de bafouer, à un tel degré, les croyances de millions de musulmans à travers le monde ? Comparer l'Islam au terrorisme est choquant, y compris pour les musulmans les plus tolérants. C'est perçu comme un manque de respect. Or le respect envers les croyances des autres, dans le monde trouble, tourmenté dans lequel nous vivons, est un principe cardinal. Deux droits fondamentaux semblent s'opposer dans cette bataille qui prend des proportions inimaginables et semble s'inscrire dans ce que Samuel P. Huntington a qualifié de « choc des civilisations ». Le monde musulman crie au scandale et estime que ses croyances sont bafouées. Les musulmans se sentent en effet blessés par cette manière, exagérément simpliste, de présenter l'Islam. Les Européens défendent leur modèle politique fondé sur les libertés, la démocratie et la laïcité - dialogue de sourds ? Après les attentats du 11 septembre 2001, autre choc, le monde musulman est mis à l'index. Les groupes islamistes radicaux, se réclamant d'une lecture biaisée, sectaire et rétrograde de l'Islam, ont réussi à étouffer les rares voix se prévalant d'un Islam de dialogue. Pour des pans entiers de l'opinion publique mondiale, nos sociétés sont fanatisées à l'extrême. La réalité est plus complexe. Il est vrai que l'intégrisme et l'intolérance sont fortement présents dans le monde musulman, avec parfois des modes d'action violents, comme programme politique. Mais les Européens n'ont-ils pas joué avec le feu en tolérant sur leur sol l'expression d'un islamisme guerrier, belliqueux... Ils ont fini par le comprendre. Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est le respect des uns et des autres. La sagesse et le dialogue doivent prévaloir pour éviter des fractures civilisationnelles et le repli identitaire sur soi, extrêmement préjudiciables à nos peuples.