L'Algérie, qui possède la plus grande réserve de corail rouge de Méditerranée, pourrait de nouveau autoriser la pêche de cet or rouge - interdite sur son territoire depuis 1998 -, à l'issue d'une étude confiée à des chercheurs français. « La pêche du corail rouge est très confidentielle, mais c'est une ressource à très forte valeur commerciale qui pourrait donc permettre à l'Algérie de faire rentrer des devises », explique Stéphane Sartoretto, coordinateur au bureau Créocéan, basé à La Seyne-sur-Mer (sud). Le ministère algérien de la Pêche a confié, en septembre dernier, une étude sur ses coraux à un groupement français comprenant, notamment Créocéan, ainsi que le Centre d'océanologie de Marseille, spécialiste mondial du corail. Négocié à plus de 800 euros le kilo « mais avec des branches qui peuvent atteindre parfois jusqu'à 15 000 euros la pièce », selon M. Sartoretto, le corail rouge constitue « une vraie richesse » pêchée en Algérie depuis le XVIe siècle, d'abord en apnée et depuis les années 1970 à l'aide de scaphandres autonomes. Premier producteur de corail rouge en Méditerranée avec 48% du volume pêché en 1991, selon les chiffres de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Algérie en a interdit la pêche en 1998 afin de « protéger la ressource ». La nouvelle étude a pour but de « dresser un état des lieux tant du point de vue de la qualité que de la quantité du stock, avant d'en proposer un plan de gestion », explique Jean-Pierre Ferral, directeur de l'unité Diversité biologique, évolution et écologie marine, au Centre d'océanologie de Marseille. « Ce programme, qui est une première mondiale par sa dimension, est une opportunité fantastique d'analyser la santé et l'évolution d'une population corallienne », affirme Joaquim Garrabau, spécialiste de l'écologie benthique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). La première phase de l'étude consiste à recueillir des données sur les lieux et les conditions de pêche. La seconde phase, de février à novembre, permettra de dresser un état des lieux des fonds marins et des stocks de corail. Tout au long des 1280 km de côtes, les chercheurs vont procéder par échantillonnage. Une cartographie des lieux sera établie et des robots pilotés examineront les endroits « potentiellement riches ». En juillet, les chercheurs plongeront pour recueillir des échantillons et prendre des photos. La 3e phase du programme, qui doit s'achever en mars 2007, consistera à « soumettre des propositions sur des plans de gestion de la ressource », précise M. Ferral. Si le corail rouge était pêché « principalement sur la corniche kabyle, autour de Annaba et d'El Kala, nous nous attendons à en trouver beaucoup ailleurs », souligne M. Sartoretto. Car l'Algérie présente l'avantage de posséder une côte quasi vierge de structures touristiques avec une eau et des fonds « très bien préservés », ajoute M. Garrabau. Entièrement contrôlée par l'Etat, comme en Tunisie, la pêche du corail rouge ne devrait donc « pas reprendre en Algérie avant 2007 », estime de son côté M. Sartoretto. En attendant, les grands négociants et bijoutiers, installés pour la plupart en Italie, et qui travaillent le corail depuis le XIXe siècle, continueront à s'alimenter principalement du Maroc et de la Tunisie.