Aïn El Melha, l'un des plus denses bidonvilles de la capitale, qui totalise 3000 gourbis, il n'y a que le bois pour contrer le froid sibérien. La saison hivernale a enregistré cette année d'importantes chutes de pluies. Si la neige de ces trois derniers jours a procuré de la joie aux enfants, elle n'a pas été clémente avec des milliers de familles habitant dans des bidonvilles. Les températures négatives ont obligé les pères de famille à trouver mille et une solutions pour parer au froid glacial. Les coupures d'électricité et la raréfaction des bouteilles de gaz butanes les ont contraint à chercher du bois pour se réchauffer. A Aïn El Melha, l'un des plus denses bidonvilles de la capitale, qui totalise 3000 gourbis, il n'y a que le bois pour contrer le vent sibérien. «Faute de butane, nous avons été obligés de chercher du bois pour chauffer la maison», raconte Riad, la trentaine, marié et père de deux enfants. Il vit à Aïn El Melha depuis le début des années 1990. Aux abords du bidonville se situe le marché de Aïn Naâdja, qui donne une apparence de vie normale au quartier. Mais en sillonnant le dédale de Aïn El Melha, on se rend compte que l'image d'une Algérie aisée financièrement est fausse. Les autorités ne cessent de répéter que le pays repose sur 180 milliards de dollars de réserves de change… Comme dit l'adage, «le malheur des uns fait le bonheur des autres» ; des commerçants profitent de la conjoncture. «La neige n'a pas été tendre avec nous. Les épiciers n'ont pas ramené suffisamment de butanes. Il paraît qu'il y a pénurie. Ceux qui en vendent ont augmenté les prix de 250 à 300 DA», témoigne, sous son burnous, Sahraoui, âgé de 35 ans. Pire que cela, ajoute-t-il, «nous n'avons pas eu d'électricité ces deux derniers jours. A la maison, nous nous sommes entassés pour créer de la chaleur». L'intérieur des gourbis est envahi par l'humidité. En outre, les toitures en éternit (produit cancérogène car contenant de l'amiante) n'ont pas retenu toute l'eau. «J'ai passé les deux dernières nuits à dégager l'eau à la main, avec un frottoir et une serpillière», déplore Riad. Il nous conduit à une autre baraque où réside une famille composée des grands-parents, des enfants et des petits-enfants. «Regardez, la maison est au bord de l'effondrement. Le toit risque de tomber sur nos têtes à n'importe quel instant. Chaque année, nous le réhabilitons, mais c'est une histoire sans fin. Un gourbi reste un gourbi», raconte la maîtresse des lieux, une vieille dame de plus de 70 ans. «Tous mes enfants et mes petits-enfants sont atteints d'asthme, d'autres de rhumatismes, tellement le taux d'humidité est élevé. Toutes les familles à Aïn El Melha sont malades. La tuberculose sévit toujours», poursuit-elle. Plus au sud, El Oued est un autre bidonville, distant de Aïn El Melha d'environ 800 mètres. Une mère de famille nous aborde : «Mon père a travaillé 30 ans au journal El Moudjahid. Comme il ne pouvait pas s'offrir un appartement, il n'a eu d'autre choix que de construire une baraque. Nous avons constamment peur des fortes chutes de pluies, car nous risquons tous emportés par les flots. Il faut le reconnaître, il y a ceux qui méritent d'être relogés, d'autres non, puisqu'ils sont déjà propriétaires de logements et viennent ici nous parasiter. Depuis le début 1990, aucun responsable n'est venu nous voir pour nous annoncer une bonne nouvelle. Pourquoi tant de familles ont été relogées alors que nous avons été recensés avant elles ? Il y a un manque de transparence dans la livraison des logements. Nous nous sentons marginalisés !»