Près de 5% des résidants de cet immense ensemble de gourbis sont des fonctionnaires de l'Etat. La multiplication des bidonvilles à travers toute la capitale est une bombe à retardement. La moindre étincelle risque d'embraser cette poudrière. La situation dans ces baraquements se complique chaque jour davantage. Elle est d'autant plus inextricable que leur implantation puis leur extension ont pris de l'ampleur et ce, depuis des années. Il était 10h quand nous arrivons près du commissariat du quartier dit «Beaulieu» sis à Oued Smar relevant de la circonscription d'El Harrach. Cependant, à quelques mètres de là, on se rend compte que l'aspect urbain fait totalement défaut en ces endroits: un gigantesque bidonville s'étirant à perte de vue sur un lit d'oued. La précarité des gourbis en parpaing, couverts de plaques de zinc, tranche avec l'aisance des villas mitoyennes. La promiscuité est visiblement étouffante. Avant-hier, une violente bagarre qui a éclaté entre jeunes habitants d'un même bidonville a failli tourner au drame, selon des témoignages recueillis sur les lieux. En outre, trois crimes ont eu pour théâtre ce bidonville, dont le dernier date de l'année dernière, confiera le représentant des habitants. «Le dernier recensement a fait ressortir que pas moins de 1162 familles végètent dans ce bidonville», dira notre interlocuteur. Ce dernier, un Algérois exerçant comme chef de service à la Sntf, a élu domicile dans ce bidonville. Comme lui, des médecins et avocats y habitent. précise notre guide. Mieux encore, 5% «des résidants de cet immense ensemble de gourbis sont des fonctionnaires de l'Etat», souligne-t-il en citant les statistiques de la dernière opération de recensement. Si quelques commodités comme l'alimentation en eau potable et le branchement au réseau électrique, existent, en revanche, un véritable danger plane sur ces habitations précaires. Erigées sur un sol mouvant, toutes les baraques menacent ruine à la moindre secousse tellurique. Les premières baraques, «environ une cinquantaine», apprend-on y ont été implantées en 2001. «En quelques années seulement, le trou est totalement saturé. Pas un moindre espace aussi petit soit-il pour poser une seule baraque supplémentaire», fera savoir notre guide. La suite est connue, ce bidonville, le plus grand au niveau de la capitale, en l'occurrence, celui appelé communément El houfra (le trou) comporte actuelement, à lui seul, plus de 1500 baraques et autant de familles. Cet ensemble de détresse humaine est coincé entre l'immense décharge publique de Oued Smar, à quelque 13 km à l'est d'Alger, et le lotissement Ali Khodja constitué d'innombrables villas. «Ici, la malvie se conjugue aux multiples problèmes vécus au quotidien», clament les habitants. Plus de 35% d'entre eux sont diagnostiqués asthmatiques, du fait de la proximité avec la décharge de Oued Smar, laissent-ils entendre. L'atmosphère est aussi «électrique» dans cet endroit. Faute d'espace les nouveaux embarqués ont installé leurs gourbis sous la ligne de haute tension (25.000 Volts) longeant la voie ferrée coupant le bidonville en deux. Pis encore, l'installation électrique «anarchique» ressemble plutôt à une toile d'araignée. Du point de vue administratif, les habitants n'ouvrent pas droit à l'établissement de pièces d'état civil, des pièces nécessaires à leur dossier de demande de logement décent, déplorent-ils. Cela dit, plusieurs parmi eux se sont pourtant fait délivrer des autorisations des anciens présidents d'APC, expliquent-ils. Leur progéniture rencontre toutes les peines du monde à s'inscrire à l'école primaire de Beaulieu. Quand c'est le cas, ils subissent une sorte de ségrégation, regrettent les parents rencontrés hier. Par ailleurs, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, l'appel fait par la mairie de Oued Smar, durant la semaine écoulée, aux habitants du «trou», pour s'inscrire sur la liste du programme de relogement a aiguisé l'appétit des riverains aisés. 450 personnes parmi les propriétaires des villas d'en face n'ont pas hésité un instant à s'y inscrire, racontent dubitatifs les habitants du bidonville. Cet état des lieux a suscité le courroux de ces derniers et leur sortie dans la rue n'a été que reportée à une date ultérieure. «Le représentant du wali délégué d'El Harrach les a assurés d'assainir la liste et a promis que d'ici octobre prochain, il ne subsistera plus aucune baraque à cet endroit», rapporte le représentant du bidonville. Deux autres bidonvilles de moindre importance qu'«Al hafra» sont implantés à Oued Smar. «Les habitants de ces gourbis implantés respectivement près de la mosquée et à proximité de la zone industrielle, guettent la moindre opération de relogement pour se manifester», diront Hamid et Karim mettant en exergue le fait que leurs bidonvilles existent depuis quinze ans. Toutefois, il est clair que le relogement des habitants de Diar Echems a eu un effet boule de neige sur tous les bidonvilles du pays. Dans ce contexte, 130 habitants du bidonville dit «El Meklaâ» situé à Beni Messous, réclament des logements, autrement dit leur part du programme de relogement initié récemment par la wilaya d'Alger.